Par quel heureux mélange de caprices du destin et de qualités personnelles devient-on la première femme centrafricaine à accéder au rang de chef de l’État et la deuxième femme chef de l’État en Afrique francophone ?
Tenter de répondre à la question « Comment devient-on une pionnière ? » relève sans doute de la gageure, et même de la prétention. Contentons-nous donc de présenter des éléments biographiques qui, additionnés, donneront peut-être une idée de la somme de talent et d’opportunités qui concourent à tracer le chemin d’une vie. Née en 1954 au Tchad d’un père camerounais et d’une mère centrafricaine dans une fratrie de six enfants dont elle est la deuxième, Catherine Samba-Panza (CSP) passe sa jeunesse à Ndjamena, qu’elle quitte avec sa famille à 16 ans, en 1970, pour Bangui où elle est confiée à son oncle maternel Simon-Pierre Kibanda, secrétaire au ministère des Affaires étrangères puis chef du protocole, et à son épouse israélienne Sonia. Munie de son baccalauréat A4 obtenu en 1973 au lycée d’État des Rapides, cette chrétienne qui parle français et arabe part à Paris étudier le journalisme et le droit. Licence en sciences de l’information et de la communication et DESS en droit des assurances en poche, elle devient rédactrice pour la compagnie d’assurance Préservatrice- Foncière à Paris. Mariée avec Jean-Claude Sappot, elle aura trois enfants. Revenue en Centrafrique en 1984, elle travaille pour l’entreprise d’assurance d’État SIRIRI et épouse en secondes noces Cyriaque Samba- Panza, secrétaire d’État au Plan, aux Statistiques et à la Coopération internationale. De 1989 à 2007, elle poursuit sa carrière au sein du groupe Allianz-AGF Centrafrique Assurances, puis fonde le cabinet de courtage CSP Assurances-Conseils, et enfin intègre la société de courtage Gras Savoye en tant que directrice générale jusqu’en 2013. Responsabilités locales et défense des femmes Son entrée en politique emprunte deux chemins faits l’un comme l’autre d’engagement et de proximité : le militantisme et les responsabilités locales. D’abord militante de l’Association des femmes juristes de Centrafrique (AFJC) spécialisée dans la lutte contre les mutilations génitales et autres formes de violence subies par les Centrafricaines, elle en sera vice-présidente, puis adhérera au Lions Clubs et deviendra formatrice en droits humains pour Amnesty International, ce qui étoffera grandement son réseau. Co-présidente puis présidente du comité chargé de suivre et d’évaluer régulièrement les recommandations issues du dialogue national après l’accession au pouvoir de François Bozizé, elle doit sa prise de nouvelles responsabilités à l’assistance qu’elle porte à son époux, ministre de l’Équipement et du Désenclavement dans le gouvernement du Premier ministre Touadéra en 2008, lorsqu’il se trouve en 2011 diminué par une attaque cérébrale et qu’elle mène campagne pour lui à Bouca lors des élections législatives. Puis Michel Djotodia la nomme présidente de la délégation spéciale de la ville de Bangui, et elle prend officiellement ses fonctions de maire le 14 juin 2013. Lorsque le président Michel Djotodia démissionne en janvier 2014, un nouveau chef d’État de transition doit être élu par le Conseil national de transition, le Parlement provisoire centrafricain, avant la tenue d’élections nationales prévues en 2015. CSP saisit sa chance et bénéficie alors du travail d’une vie : soutenue par des associations féministes et de nombreux diplomates étrangers, elle est élue au second tour contre Désiré Kolingba par 75 voix contre 53, appelant sans tarder les miliciens de l’ex-Séléka et anti-Balaka à déposer les armes, puis prêtant serment le 23 janvier 2014. Ainsi donc, c’est bien cette pionnière sans étiquette politique qui annonce le 28 août 2020 sa candidature à l’élection présidentielle et la voit validée le 3 décembre par la Cour constitutionnelle.
Andju Ani