L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui rassemble huit pays (1) totalisant 120 millions d’habitants, a été créée en 1994, au lendemain de la dévaluation du franc CFA. L’objectif à l’époque, nous a confié Amadou Ba, chef de la diplomatie sénégalaise, était d’assurer une cohérence plus forte entre la politique monétaire de l’Union et les politiques économiques et budgétaires de ses États membres. Parmi les atouts de l’Union figurent notamment la libéralisation du commerce intérieur avec une zone de libre-échange et une union douanière, la Bourse régionale basée à Abidjan, et surtout la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux ainsi que le droit d’établissement. Plusieurs spécialistes, à l’instar de l’expert économiste togolais Michel Nadim Kalife, font remarquer qu’avant la pandémie de Covid-19 – à laquelle est venue s’ajouter une sévère crise politique au Mali –, la zone UEMOA était la plus performante du continent. En effet, ces dix dernières années, elle a réalisé un taux de croissance du PIB de 6 % et possède des réserves monétaires issues de la BCEAO, sa banque centrale, équivalant à 6 mois d’importations de la zone. En outre, au moment où se profile ici et là le débat sur le remplacement du franc CFA par une nouvelle monnaie – l’éco – ainsi que sur la création d’une future zone éco, l’expert togolais fait partie de ceux qui expriment ouvertement leur inquiétude à la perspective d’un éco sous la domination écrasante du Nigeria, dont le PIB représente 230 % de celui des 14 autres pays de la CEDEAO réunis et compose 70 % du PIB global, et dont la population dépasse les 60 % de toute cette communauté économique régionale (CER), ce qui conduit l’économiste à militer pour un éco-UEMOA. Dans cette édition, la parole a été donnée aux sept commissaires de la Commission UEMOA et, bien sûr, à son président Abdallah Boureima, qui n’a esquivé aucune question dans l’entretien exclusif qu’il nous a accordé, expliquant notamment pourquoi il a fallu procéder à une révision à la baisse des prévisions de croissance en zone UEMOA du fait de l’impact du Covid-19 : en 2020, le taux de croissance du PIB s’établirait à 2,4 %, contre une projection initiale à 6,6 %. Nous avons aussi donné la parole aux ministres de la Santé pour avoir leur vision sur l’évolution et la gestion de cette pandémie pays par pays, aux grands argentiers pour qu’ils détaillent les mesures de soutien financier activées en direction des populations les plus modestes afin que soient comblés les besoins de première nécessité comme par exemple l’eau et l’électricité, et enfin aux chefs de la diplomatie de l’Union, parmi lesquels le Togolais Robert Dussey qui, à propos de l’éco, formule le voeu de voir les chefs d’État de la CEDEAO trouver la voie pour dissiper les malentendus apparents et éviter les conflits entre la CEDEAO et l’UEMOA.
Enfin, en termes de lutte contre la pandémie de Covid-19, le coût global de la riposte pour les pays de l’UEMOA s’élève à 5 285 milliards de FCFA, soit près de 8 milliards d’euros. De plus, au regard de l’urgence de la situation, les chefs d’État de l’UEMOA ont suspendu le pacte de convergence sur la limitation de la dette, de l’inflation ou des arriérés de paiement. Pour sa part, l’Ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de l’UEMOA, a alerté dès le 27 avril ses sept homologues sur le risque d’une récession économique. Une prédiction confirmée quatre mois plus tard par la Banque mondiale qui, elle aussi, craint que les pays de la région ne connaissent leur première récession en un quart de siècle. C’est pourquoi Alassane Ouattara appelle à la mise en oeuvre d’un plan Marshall pour l’Afrique et à « la production d’un document de plaidoyer en vue de l’annulation de la dette ».
(1) Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Togo, Sénégal et Guinée-Bissau