« Nous voulons aller encore plus loin en travaillant avec l’État sur sa stratégie de digitalisation »
Paul-Harry Aithnard, dirigeant de la filiale ivoirienne de Ecobank et directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest francophone, évoque le rôle majeur de Ecobank dans l’inclusion financière.
Au sein du groupe Ecobank, vous êtes la filiale la plus performante de la zone UEMOA. En 2021, quelle a été l’évolution des chiffres clés par rapport à 2020 ?
Paul-Harry Aithnard : Nous sommes reconnaissants pour la performance réalisée en Côte d’Ivoire. Nous sommes fiers de nos équipes et de nos partenaires, sans lesquels nous n’aurions pu délivrer ces résultats. Malgré les effets de la pandémie de Covid-19 sur l’économie locale, nous avons confirmé notre progression lors de l’année 2021. En effet, nous avons significativement augmenté notre volume de crédits, soit plus de 20 % en glissement annuel. Nos clients nous ont fait confiance en déposant massivement leur épargne chez nous. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de la banque, les dépôts ont dépassé la barre des 1 000 milliards de FCFA. Notre produit net bancaire (PNB) se rapproche des 100 milliards de FCFA, et notre résultat net est à 34,3 milliards de FCFA, en hausse de 14 %. Ces chiffres démontrent que nous avons su faire preuve de résilience, tout en continuant à donner de la valeur à nos clients et en accompagnant une part toujours plus grande du marché ivoirien. Cette hausse de la profitabilité est la confirmation de notre positionnement comme l’une des banques les plus importantes présentes en Côte d’Ivoire. Vous avez l’ambition de créer une chaîne de l’inclusion financière. Comment voyez-vous la mise en oeuvre de ce service dans une banque à vocation universelle telle que Ecobank, dans la mesure où ce modèle est le coeur de métier des structures de microfinance et des services de paiement mobile ? La Côte d’Ivoire est un acteur incontournable de la zone UEMOA car elle représente environ 40 % de la masse monétaire globale de la région. Fin 2019, le taux de bancarisation dans le pays est de 21,6 %, et il monte jusqu’à 32,6 % de la population lorsque l’on intègre les détenteurs de comptes dans les institutions de microfinance. Notre raison d’être en tant que groupe bancaire est de contribuer au développement économique et à l’intégration financière. En droite ligne avec cette raison d’être, nous avons l’ambition de démocratiser l’accès aux services financiers en misant sur 2 axes. Premièrement, nous voulons permettre à nos clients d’avoir accès à leurs services financiers en restant chez eux et en utilisant leur téléphone. Aujourd’hui, nous avons déployé notre application mobile unique utilisable pour faire des transactions sur tout le continent, et tous nos clients, particuliers ou institutionnels, peuvent, de chez eux, avoir accès à leur banque en ligne. Deuxièmement, nous avons démultiplié nos points de contact physique avec nos clients en développant un réseau de sous-agents, les points Xpress : il y a plus de 4 000 points en Côte d’Ivoire et plus de 15 000 points en Afrique de l’Ouest francophone. L’objectif est de permettre à toutes les populations, même les plus reculées, d’avoir accès à des services financiers. Comment votre banque accompagne-t-elle le gouvernement dans son Plan national de développement (PND) 2021-2025, dont le coût est de 21 110,3 milliards de FCFA et où la part d’investissement du secteur privé s’élève à 74 % ? Notre rôle est d’accompagner directement et indirectement l’État de Côte d’Ivoire dans l’exécution du Plan national de développement (PND). Aujourd’hui, nous sommes des partenaires financiers directs de l’État, avec des participations importantes sur les obligations émises par lui sur les marchés financiers. Nous avons aussi plusieurs engagements bilatéraux, avec des concours financiers massifs sur des secteurs stratégiques tels que l’énergie et sur des entreprises d’État qui jouent un rôle structurant. Les dernières années, nous sommes allés beaucoup plus loin en accompagnant l’État dans des structures de financements plus complexes sur les marchés financiers et en ciblant des secteurs à forte valeur ajoutée tels que l’agriculture ou les ports. Nous voulons aller encore plus loin dans les prochaines années en travaillant avec l’État sur sa stratégie de digitalisation. Nous voulons permettre au gouvernement de collecter plus rapidement ses revenus, de se rapprocher encore des citoyens, de digitaliser les interactions avec ses fournisseurs et de renforcer les infrastructures numériques. La majeure partie de l’exécution du PND se fait à travers le secteur privé. Nous apportons donc un concours financier indirect en nous tenant aux côtés des structures du secteur privé. Nous collaborons au financement des « champions locaux ». Le financement du secteur privé local est au coeur de l’ADN d’Ecobank. C’est notre raison d’être. De fait, nous comptons augmenter massivement nos financements vers les acteurs privés en faisant un pas de plus dans le financement des PME où l’État prend des initiatives structurantes majeures. C’est la prochaine frontière dans le financement en Afrique, et nous comptons y participer de manière résolue. En 2022, quels sont les objectifs de Ecobank Côte d’Ivoire en termes de performance ? Nous nous inscrivons dans la stratégie du groupe Ecobank pour mieux reconstruire le monde après-Covid avec nos différents partenaires économiques tout en accélérant notre croissance. Le monde après-Covid reste volatile, avec des développements géopolitiques nouveaux, comme la situation en Ukraine, qui vont immanquablement impacter l’évolution économique du continent en 2022. La montée de l’inflation et la hausse des prix des denrées alimentaires sont deux effets collatéraux que nous surveillons intensément. Malgré cet environnement, nous continuerons à innover à travers nos solutions digitales pour rester pertinents pour nos clients et toujours leur offrir les meilleurs produits et services. Nous continuerons à développer notre réseau de sous-agents – les points Xpress – pour rester proches de nos clients et faciliter ainsi l’inclusion financière. Enfin, cette année, nous
souhaitons donner la priorité aux PME. À ce propos, nous avons signé le 2 août 2021 une convention de 5 milliards de FCFA avec le ministère de la Promotion des PME, de l’Artisanat et de la Transformation du secteur informel dans le cadre du financement des PME en Côte d’Ivoire, le but étant de favoriser la création de champions locaux. Avec notre programme Ellever, nous visons particulièrement les sociétés gérées par des femmes ou orientées vers les femmes. Nous avons d’ailleurs signé une autre convention le 5 mars 2022 avec le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, et nous comptons financer des femmes entrepreneures à hauteur de 3 milliards de FCFA. Nous nous allions pour ce faire à plusieurs organisations telles la Fondation Sephis et à des institutions internationales telles la GIZ et Proparco pour favoriser le bien-être, l’autonomisation et l’épanouissement de la femme en Côte d’Ivoire.
Propos recueillis par Serge-Henri Malet