Entretien – Directeur général de l’Autorité de régulation des télécommunications/TIC Côte d’Ivoire

« Le marché ivoirien de la téléphonie mobile est l’un des plus dynamiques en Afrique »

Experte en régulation, économie numérique et politique des communications électroniques, Namahoua Bamba Touré, tout nouveau directeur général de l’Autorité de régulation destélécommunications/TIC Côte d’Ivoire (ARTCI), fait l’état des lieux du secteur des télécommunications et évoque de belles perspectives pour la Côte d’Ivoire.

Le porte-parole du gouvernement ivoirien a annoncé à l’issue du Conseil des ministres du 13 avril 2022 votre nomination en qualité de directeur général de l’ARTCI. Mesurez-vous la charge qui vous incombe ? Namahoua Bamba Touré : Je mesure l’ampleur de mes nouvelles responsabilités en qualité de directrice générale de l’ARTCI dans un contexte de confiance fragilisée entre les acteurs clés du secteur des télécommunications/ TIC et le consommateur. C’est pourquoi l’une de mes priorités sera de rétablir cette confiance et d’instituer un cadre de discussion entre d’une part l’ARTCI et les opérateurs et d’autre part l’ARTCI, les opérateurs et les consommateurs. Ceci se manifestera très prochainement par des actions concrètes. À quel rythme pensez-vous mettre en oeuvre les projets  de l’ARTCI à court et moyen termes ainsi que les grands chantiers inscrits sur votre feuille de route ? Mes actions seront orientées sur le plan opérationnel et organisationnel. À court terme, nous entendons identifier les actions prioritaires en entreprenant une revue stratégique pour finaliser l’élaboration du nouveau plan stratégique en vue de relever les défis et de préparer l’avenir de la régulation du secteur. Nous allons nous atteler également à améliorer la communication avec les parties prenantes de l’écosystème de l’économie numérique, notamment le ministère, les opérateurs et les consommateurs. À moyen et à long termes, il s’agira, conformément à la vision du gouvernement, d’utiliser le processus de transformation digitale comme un puissant levier d’accélération du développement socio-économique de la Côte d’Ivoire. L’ARTCI devra donc se positionner à l’avant-garde de ce défi en s’engageant sur des chantiers qui faciliteront la mise en oeuvre de la stratégie numérique. Quelle a été l’évolution du parc global d’abonnements des trois grands opérateurs de téléphonie mobile (MTN CI, Orange CI et Moov CI) en 2020 et 2021, à combien s’établit leur part de marché sur la même période et comment a évolué le taux de pénétration de la téléphonie mobile ces deux dernières années ? L’évolution du parc global d’abonnements à la téléphonie mobile montre que le marché ivoirien est l’un des plus dynamiques en Afrique, en témoigne l’évolution rapide du nombre d’abonnements. Entre 2020 et 2021, le parc mobile total s’est accru de 11 %, passant de 40 millions à plus de 44,5 millions d’abonnements, c’est-à-dire de nombre de cartes SIM actives. Cette dynamique de croissance peut également s’apprécier avec un taux de pénétration en constante hausse, passé de 149 % en 2020 à 162 % en 2021. Concernant les parts de marché, nous pouvons indiquer que sur la base du nombre d’abonnements comptabilisés chez les différents opérateurs, Orange CI avec 43 % détient la plus grande part de marché en 2021, suivi de MTN CI avec 33 % et Moov Africa CI avec 24 %. Comparativement à l’année précédente, l’on constate qu’en 2021, la part de marché d’Orange est en hausse alors que celles de MTN CI et Moov Africa CI sont en légère baisse. En effet, en 2020, nous avions 40 % pour Orange CI, 35 % pour MTN CI et 25 % pour Moov Africa CI. En 2020 et 2021, comment a évolué le service du Mobile Money qui relève des activités bancaires mais fait appel à la téléphonie mobile ? L’évolution du nombre d’abonnements au Mobile Money de 2020 à 2021 montre que le nombre de cartes SIM actives rattachées à un compte Mobile Money est passé de 20,3 à 22,7 millions, soit une hausse d’environ 12 %. En conséquence, le taux de pénétration, sur la même période, s’est accru, passant de 76 % à 83 %, ce qui traduit la forte adhésion des populations ivoiriennes aux services financiers mobiles. Sur la même période, quelle est la contribution du secteur de la téléphonie à l’économie ivoirienne et quels sont les investissements consentis par ces opérateurs ? Selon la dernière étude d’évaluation économique du secteur de l’économie numérique en date de 2017, la contribution du secteur au PIB était évaluée à 9 %. Une nouvelle étude, prévue pour cette année 2022, permettra d’actualiser ces chiffres. En attendant, le chiffre d’affaires des entreprises de télécommunications/ TIC s’élève globalement à 1 050 milliards de FCFA en 2020 et à plus de 1 160 milliards de FCFA en 2021. Par ailleurs, d’importants investissements sont en effet réalisés chaque année par les opérateurs. Sur la période 2020-2021, le cumul des investissements réalisés s’élève à 383 milliards de FCFA, dont 176,7 milliards en 2020 et 206,6 milliards en 2021, soit une hausse de 17 %. Ces investissements ont permis, à fin 2021, que le taux de couverture de la population en réseau mobile soit estimé à 97,66 % pour la 2G, 96,36 % pour la 3G et à 64,52 % pour la 4G. La longueur totale du réseau national de fibre optique des opérateurs s’établissait à plus de 23 000 km et la largeur de la bande passante internationale équipée était d’environ 700 gigabits, dont plus 325 gigabits utilisés. Selon le gouvernement, la 5G sera une réalité en 2023 avant la tenue de la Coupe d’Afrique des Nations. Que va apporter cette nouvelle technologie à l’économie numérique, et avez-vous déjà une idée du coût de l’acquisition de la licence 5G qui sera fixée à chaque opérateur ? À la faveur de la Coupe d’Afrique des Nations qui aura lieu en Côte d’ivoire en 2023, le gouvernement a en effet adopté une feuille de route devant aboutir à la mise en oeuvre de la 5G dans les grandes villes abritant les matchs. L’ARTCI travaille de concert avec l’ensemble des parties prenantes du secteur pour la mise en oeuvre de cette feuille de route. Concernant les atouts de la 5G, tous les experts s’accordent à dire que cette technologie engendrera une transformation profonde de nos économies et de nos sociétés. Cela est lié au large champ de possibilités qu’elle offre. Concernant l’état de préparation en Côte d’Ivoire, il faut déjà préciser qu’il n’existe pas de licence 4G ou de licence 5G, mais une licence dite globale, technologiquement neutre, qui offre aux différents opérateurs la possibilité de fournir des services de type 2G, 3G, 4G et 5G. Néanmoins, pour la fourniture des services 5G, il est indispensable de mettre en place un environnement réglementaire adapté, des conditions de marché propices et les ressources spectrales adéquates. L’assignation de ces ressources spectrales donne lieu au paiement des droits d’assignation et redevances annuelles dont les montants sont en cours d’évaluation. D’autres chantiers sont en cours de mise en oeuvre, et les premiers résultats ne sauraient tarder. Déjà l’ARTCI, dans une démarche collaborative et transparente, a lancé une consultation publique dont les résultats devraient être publiés courant juin 2022.

Propos recueillis par François Canthy

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