Ali Idrissa Nani, directeur général et gérant du groupe de presse audiovisuel Labari créé il y a douze ans, estime que sa chaîne de télévision est la plus suivie de toutes. Sur un effectif de 55 employés, près de la moitié sont journalistes, certains animant des émissions en langues locales comme le haoussa, le zarma-sonrhaï et le gourmantché.
En plus d’une décennie, quelle a été l’évolution de votre groupe audiovisuel privé créé le 3 décembre 2011 ?
Ali Idrissa Nani : Créé le 3 décembre 2011, le groupe de Presse Labari, aussi connu sous la dénomination RTL-Niger, a effectivement commencé ses activités par le journal radio de 12 heures 15 et le journal télévisé de 12 heures 45 le 18 février 2012. Plus d’une décennie après sa création, Labari a su trouver sa voie dans l’espace médiatique nigérien. En plus de la diffusion en clair de la radio et de la télévision, le groupe s’est déployé sur les réseaux sociaux notamment You Tube, Facebook, et récemment le lancement d’une Web TV, Labari Matassa, orientée vers la jeunesse et les femmes avec plus de reportages sociaux.
Comment votre groupe est-il structuré aujourd’hui et, en termes d’effectif, combien de journalistes comptez-vous sur le nombre total de salariés ?
Le groupe de presse Labari est dirigé par un directeur général (DG) cumulativement à ses charges de gérant statutaire sous la tutelle d’un conseil d’administration. Le DG est assisté d’un directeur des affaires administratives et financières, d’un secrétariat de direction et de chefs de services pour mener à bien le travail d’équipe. Au 1er janvier 2023, le groupe compte 55 agents, tous grades confondus, dont certains exerçaient comme pigistes. Sur ces 55 agents, on dénombre 20 journalistes : 13 pour la langue française, 3 pour le haoussa, 3 pour le zarma-sonrhaï et 1 pour le gourmantché.
Quelles sont les taux d’audience atteints par la radio et la télévision Labari et quelles sont les plages horaires et thématiques pour vos émissions phares ?
En dehors des chiffres officiels sur les taux d’audience, nous pouvons avancer un taux de 80 % pour la radio et la télévision. Les antennes ouvrent de 7 heures du matin à minuit, heure locale, avec, pour la radio, des journaux parlés à 12 h 15 et 18 h 15 et, pour la télévision, à 12 h 45, à 19 h 45 et une rediffusion à 22 h 30. Les émissions captivantes sont celles qui traitent de thématiques musicales. Ensuite, il y a des émissions telle que Éclairage, qui sont les débats radio-télévisés où nous ouvrons l’antenne et les ondes aux intellectuels pour qu’ils s’expriment sur les questions d’actualité. Á noter aussi le succès de l’émission Le Grenier du Savoir, où les universitaires font partager leurs analyses à nos publics radio-télé sur leurs domaines d’expérience, et enfin La Revue de la presse hebdomadaire.
En englobant la radio et la télévision nationales, comment est composé le paysage audiovisuel nigérien ? La concurrence est elle farouche entre les médias audiovisuels relevant du privé et ceux issus de l’État ?
Le paysage audiovisuel est très dynamique avec les chaines publiques et les chaines indépendantes. Il faut noter que le Niger est très en avance dans le secteur comparé à certains pays de la sous-région. Pour
nous, on ne parle pas de concurrence dans le cadre de l’existence des médias, mais plus d’une complémentarité dans le traitement de l’information et chacun peut se faire son opinion.
La parole politique s’exprime-t-elle autant dans les médias privés que publics, ou bien les ténors de l’opposition affichent-ils une préférence ?
Les gouvernants s’expriment beaucoup plus sur les médias publics et choisissent certains médias privés selon leurs activités. Quant aux ténors de l’opposition, ils ont une préférence pour les médias privés car ils n’ont pas toujours accès aux médias publics.
Le groupe de radio-télévision Labari et les autres chaînes de télévision privées ont-ils un accès sans restriction aux marchés publicitaires ? Comment a évolué le budget de votre groupe entre 2021 et 2022 ?
Comme je vous le disais, les chaînes de télévision privées indépendantes sont exclues des marchés publicitaires relevant de l’État. Certaines dont les directeurs généraux et/ou les promoteurs sont de leur obédience en profitent infiniment. Depuis la crise liée à la pandémie de Covid-19, le budget de notre groupe n’a pas arrêté de chuter drastiquement à cause de la morosité économique et du redressement fiscal unilatéral et ciblé.
Quels sont les futurs chantiers de votre groupe ?
Nous envisageons de développer davantage la Web TV en perspective de la mise en application de la TNT, et nous déployer sur les réseaux sociaux. Nous envisageons aussi des représentations sur l’ensemble du pays. Au-delà de vos activités professionnelles, vous êtes aussi leader dans le réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire.
Pensez-vous que les actions syndicales et le plaidoyer de la société civile ont un écho auprès du pouvoir politique au Niger ?
Oui, depuis peu, les actions syndicales et le plaidoyer de la société civile ont un écho favorable auprès du pouvoir politique au Niger. Aujourd’hui, nous sommes reçus à la présidence pour discuter des problèmes du pays, ce qu’il faut d’ailleurs encourager car seul le dialogue peut sortir notre pays de cette grave crise sécuritaire. Toutefois, certaines tares du régime passé continuent de sévir, et les solutions sont timides et mitigées. Nous ne devrions plus avoir des acteurs politiques et de la société civile en prison pour leurs opinions ou actions.
Propos recueillis par Louise Bibalou-Durand