Entretien – Ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire

Entretien – Ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire

« Objectif : devenir un pays émergent à l’horizon 2035 »

Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire,
nous donne un aperçu des mesures adoptées par son gouvernement face aux impacts économiques de
la crise russo-ukrainienne et détaille les actions déployées en vue d’améliorer le climat des affaires.

Depuis 2016, l’économie camerounaise fait face à une succession de crises : des matières premières, des devises, du Covid-19, etc. Quel est leur impact, et quelles mesures le gouvernement a-t-il prises ?

Alamine Ousmane Mey : Effectivement, l’économie camerounaise fait face depuis 2016 à une succession de crises endogènes et exogènes dont les effets sont perceptibles sur notre économie si dynamique. Car si notre pays met en oeuvre depuis 2009 un programme de développement avec l’objectif de devenir émergent à l’horizon 2035 – programme qui l’a inscrit dans une évolution de croissance favorable, avec un taux moyen de 4,5 % sur la période 2010-2016 –, cette succession de crises a notamment induit un net ralentissement de l’activité économique affaiblissant progressivement la croissance, passée de 3,5 % en 2017 à 0,3 % en 2020. Afin d’affronter ce contexte difficile, le gouvernement a conclu avec le FMI un Programme économique et financier (PEF) appuyé par la Facilité élargie de crédit (FEC) sur la période 2017-2019 aux fins de rétablir la viabilité extérieure et budgétaire du pays, dégradée par la baisse drastique des cours des matières premières. En vue de contenir les effets de la pandémie de Covid-19, le Cameroun a élaboré et mis en oeuvre une stratégie de riposte face aux conséquences socioéconomiques de la crise sanitaire, ainsi qu’un plan de relance post-Covid. Dans la même veine, pour continuer à renforcer notre position extérieure et le soutien de nos efforts de redressement des finances publiques, le gouvernement a envisagé de poursuivre sa collaboration avec le FMI en concluant sur la période 2021-2024 un nouveau programme de deuxième génération appuyé par la FEC et le Mécanisme élargi de crédit (MEDC). De même, pour remédier aux externalités négatives de la crise sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le gouvernement a, en plus des multiples actions déjà engagées, organisé du 30 septembre au 4 octobre 2019 un grand dialogue national afin d’examiner les voies et moyens propres à favoriser le retour rapide de la paix dans les régions touchées par la crise. Ce dialogue inclusif entre acteurs politiques, administratifs, religieux, traditionnels, associatifs, économiques, mais également certains membres des groupes armés, s’est achevé par la formulation de nombreuses recommandations soumises à l’appréciation du chef de l’État. Conformément à la volonté de l’ensemble de la communauté nationale, un plan présidentiel de reconstruction et de développement des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a été mis en place le 3 avril 2020. Ces différentes initiatives ont notamment favorisé la consolidation de la résilience de notre tissu productif.

Le conflit russo-ukrainien a durement affecté la vie socioéconomique camerounaise, avec notamment la hausse des coûts des produits alimentaires et de l’énergie. Quelles solutions durables préconisez-vous ?

Les effets du conflit russo- ukrainien viennent une fois de plus perturber notre économie alors même que nous étions en train de nous relever des conséquences de la pandémie de Covid-19. Cette situation a notamment induit des tensions inflationnistes sur les principaux produits alimentaires et énergétiques importés, avec pour conséquence un renchérissement des coûts de production et une dégradation du pouvoir d’achat des ménages. Ainsi, l’inflation s’est située à 5,1 % au terme du premier semestre 2022. La facture de la subvention des prix des produits pétroliers a également fortement grimpé en raison du maintien de la politique de gel des prix à la pompe. À cause de ce conflit, les prévisions de croissance, envisagées initialement à 4,2 % en 2022, ont été revues à la baisse de 0,4 point. Afin de juguler cette situation difficile pour les entreprises et les ménages, le gouvernement a adopté des mesures d’allégement fiscal sur plusieurs produits sensibles. Dans le même temps, il a poursuivi aussi bien la politique de gel des prix à la pompe que des mesures de réduction de la valeur en douane sur les produits importés, avec l’abattement de 80 % sur le prix du fret maritime. Des dispositions ont aussi été prises pour faciliter l’accès à moindre coût aux engrais et autres intrants agricoles dans le but de préserver notre tissu de production agricole. Par ailleurs, des solutions durables pour se prémunir contre les chocs exogènes sur les coûts des produits alimentaires et énergétiques sont également envisagées avec l’implémentation de notre politique d’importsubstitution pour laquelle une dotation de 40 milliards a été inscrite au budget de l’État sur l’exercice 2022. De même, dans le secteur énergétique, le gouvernement étudie les possibilités de reconstruction de la raffinerie de la Société nationale de raffinage (SONARA) ravagée par un incendie le 31 mai 2019. L’amélioration du climat des affaires et la promotion des investissements privés font partie de vos priorités.

Quelles sont les avancées enregistrées dans ce domaine ?

Depuis 2008, le gouvernement a adopté, en concertation avec le secteur privé, des mesures en vue d’améliorer le climat des affaires. Parmi celles-ci, la création d’institutions telles que l’Agence de promotion des investissements (API), la Banque des petites et moyennes entreprises (BC-PME), le Comité de compétitivité, le Centre de formalités de création des entreprises (CFCE), le Conseil d’appui à la réalisation des contrats de partenariat (CARPA), le Bureau de mise à niveau des entreprises (BMN), le Cameroon Business Forum (CBF), le Guichet unique des opérations du commerce extérieur (GUCE), l’Agence de promotion des petites et moyennes entreprises (APME), les Centres de gestion agréés (CGA), la Bourse de sous-traitance et de partenariat (BSTP), le Centre technique agroalimentaire (CTA), et enfin l’Agence des normes et de la qualité (ANOR). À côté de ces institutions, l’arsenal juridique de promotion des investissements a aussi été réformé grâce à la loi portant Charte des investissements en République du Cameroun, à la loi fixant les incitations à l’investissement privé, ou encore à la loi régissant les zones économiques au Cameroun. Pour accroître le potentiel de son économie et favoriser le développement du secteur privé, le Cameroun a réalisé plusieurs projets d’investissement, notamment dans les domaines de l’électricité, de l’eau, du transport et de l’agriculture : barrage hydroélectrique, port en eau profonde, centrales thermiques à gaz, autoroutes, etc. Le gouvernement a aussi élaboré quelques instruments de financement, notamment le Dispositif de modernisation de l’outil de production par le crédit-bail, le Programme agropoles, les appuis de l’État au secteur privé au moyen de subventions et d’appuis directs octroyés par l’État aux entreprises dans le cadre de la modernisation de leur structure productive, et enfin la promotion des champions nationaux.

Propos recueillis par Paul de Manfred

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