« Près de 40 % de taux de pénétration pour Internet et 90 % pour le mobile »
Minette Libom Li Likeng, ministre des Postes et Télécommunications, confirme la forte avancée en matière d’infrastructures dévolues aux TIC : câbles sous-marins, 12 000 km de fibre optique interurbaine et 52 départements desservis sur les 58 que compte le Cameroun.
Depuis votre nomination en 2015 comme ministre des Postes et Télécommunications, comment a évolué le taux de pénétration de la téléphonie fixe, Internet et mobile ?
Minette Libom Li Likeng : Vous me donnez l’occasion de réitérer ma déférente gratitude au chef de l’État Son Excellence Paul Biya, qui m’a fait le privilège de m’associer à la mise en oeuvre de son projet de société en me nommant à la tête du ministère des Postes et Télécommunications. Si l’on en juge par sa très haute vision du secteur, maintes fois déclinée, on ne peut que prendre la mesure de l’importance qu’il accorde au développement de l’économie numérique au Cameroun. Il convient de rappeler que les TIC au Cameroun ont toujours fait partie de la stratégie gouvernementale en matière de développement. C’est à ce titre que plusieurs programmes ont été adoptés dans le but de faire du Cameroun un pays numérique : le Document stratégique pour la croissance et l’emploi (DSCE), la Stratégie nationale de développement à l’horizon 2030 (SND30) ou encore le Plan stratégique de développement de l’économie numérique. S’agissant du taux de pénétration d’Internet et du mobile, les chiffres de l’observatoire des télécommunications de l’Agence de régulation des télécommunications (ART) montrent une évolution constante : Internet est aujourd’hui à près de 40 % et le mobile à 90 %. C’est tout le contraire de la pénétration de la téléphonie fixe, dont le taux n’a pas connu d’évolution en raison d’une orientation du marché axée sur la fibre.
Peut-on avoir un aperçu des réalisations d’infrastructures au Cameroun ces sept dernières années ?
Pour ce qui relève des infrastructures, le gouvernement s’est engagé à développer une infrastructure des télécommunications adéquate en vue de l’industrialisation du Cameroun. Aussi les infrastructures des TIC ont-elles connu une forte amélioration. En plus de ses 4 câbles sous-marins d’une capacité de 32Tb, le Cameroun dispose actuellement d’un linéaire total d’environ 12 000 Km de fibre optique interurbaine, contre 2 150 km avant 2012, soit 209 arrondissements sur 360 desservis par la fibre optique et 52 départements sur 58, avec des bretelles vers les pays voisins, notamment le Tchad, le Gabon, le Congo, la Guinée équatoriale, la RCA et le Nigeria. Comme autres infrastructures, je peux citer la construction de deux points d’échanges Internet qui représentent un impératif pour la réduction des coûts Internet, ou encore des centres de données (Data Center) mis à la disposition des entreprises et des administrations. On observe que le secteur du numérique se développe à grande vitesse dans votre pays. Cardiopad, première tablette médicale africaine dans le domaine des examens du coeur, a été mise au point par une start-up camerounaise.
Comment votre gouvernement accompagne-t-il les jeunes diplômés qui manifestent de l’intérêt pour les start-up ?
Le dynamisme, la créativité et l’inventivité de nos jeunes sont connus et reconnus. Comme le Cardiopad, beaucoup d’applications développées par ces acteurs facilitent la vie des citoyens camerounais, et de nombreux prix et récompenses ont été engrangés par nos jeunes à l’international. C’est dire qu’il y a effectivement un dynamisme et un potentiel. Ce dynamisme a toujours été soutenu par le gouvernement afin de favoriser l’émergence d’une véritable industrie locale des TIC qui prenne en compte nos réalités et participe à la souveraineté numérique du Cameroun. Ce soutien a déjà commencé avec le déploiement de l’infrastructure : installation de la fibre optique, diminution du coût d’Internet, déploiement du backbone à travers tout le territoire et mise en oeuvre d’une politique de réduction des coûts. Mais comme j’ai souvent eu à le dire, l’une des meilleures solutions d’accompagnement est de mettre en place un écosystème pour la promotion et la vulgarisation des TIC. C’est pourquoi, en plus des campagnes de vulgarisation des TIC, de l’organisation de concours visant à promouvoir le génie camerounais dans ce domaine et de l’appui financier institutionnel, nous avons créé la Cameroon Digital Innovation Center (CDIC). Cette infrastructure, inaugurée le 8 février 2022 dernier, est un écosystème entier dévolu à l’accompagnement complet des start-up du numérique, de l’idée jusqu’à la création des entreprises. C’est une réponse concrète aux très hautes prescriptions du président de la République relatives à l’accompagnement des porteurs de projet dans le domaine des TIC. Et pour en mesurer la portée, je voudrais rappeler que le CDIC est un centre de formation et de recherche en entrepreneuriat numérique destiné à stimuler l’innovation et à incuber des projets numériques en vue de l’émergence d’une industrie des TIC véritablement locale ainsi que du développement de solutions et applications « made in Cameroon ». Avec cette infrastructure moderne, il est question d’identifier les projets pertinents pour favoriser la création d’entreprises innovantes, de favoriser l’émergence d’une nouvelle génération de créateurs, de contribuer à la consolidation du tissu industriel dans le secteur des TIC, et enfin de renforcer les capacités des entrepreneurs afin de transformer des ingénieurs porteurs de projet en chefs d’entreprise. Enfin, il n’est pas superflu de souligner que le CDIC a justement été mis en place pour donner à ces nombreux jeunes les outils nécessaires à leur éclosion. C’est un vrai cadeau du chef de l’État à la jeunesse, qui doit pouvoir l’apprécier à sa juste valeur et lui en savoir gré. C’est d’ailleurs le sens des premiers messages reçus depuis la mise en fonctionnement officielle du CDIC. L’année 2022 tire à sa fin. Pensez-vous atteindre l’ensemble des objectifs inscrits sur votre feuille de route ? Il serait prétentieux d’affirmer que tous les objectifs de la feuille de route ont été atteints. La transition vers une société de l’information au Cameroun ne relève pas uniquement du ministère des Postes et Télécommunications. Elle dépend de plusieurs autres secteurs comme l’énergie, et son financement nécessite d’importants investissements. Cependant, les efforts que nous avons consentis ont produit des résultats forts louables qui ont permis d’accroître la digitalisation de la société. À titre d’exemple, dans le développement de l’infrastructure large bande, on a atteint les 12 000 km en termes de déploiement de la fibre, un niveau de pénétration Internet de près de 40 % en 2022, contre 25 % en 2017, une diminution des coûts des services TIC, qui sont parmi les plus bas en Afrique, une mise jour permanente du cadre réglementaire et, sur le plan de la cybersécurité, le Cameroun occupe le 16e rang dans le classement des pays d’Afrique. Les défis sont encore nombreux, mais le gouvernement s’emploie à les relever avec ambition et détermination.
Propos recueillis par Paul de Manfred