« Le transport fluvial est une alternative pertinente au transport routier »
Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe, ministre des Transports, détaille les actions menées par son département pour atteindre les objectifs inscrits sur sa feuille de route de 2022, notamment la poursuite de la construction de la 2e phase du port de Kribi ainsi que la réhabilitation et la construction de voies ferrées.
Quels sont les grands chantiers en cours en matière d’infrastructures routières et de transports ?
Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe : Le Cameroun s’est doté depuis 2009 d’une vision consensuelle de développement à long terme en vue de son émergence en 2035 telle que prônée par le chef de l’État. La première phase de cette vision a été implémentée par le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE), arrivé à son terme en 2019. La seconde phase a débuté en 2020 et s’opérationnalise à travers la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30). Les grands chantiers en cours en matière de transport concourent donc à l’atteinte des objectifs de la SND30, notamment la transformation structurelle de l’économie. De façon globale, il s’agit du développement intégré des infrastructures de transport multimodal et de l’amélioration des services de transports. Plus spécifiquement, il est question de la finalisation des grands projets de première génération dans les domaines maritime, fluvial et portuaire, notamment l’achèvement de la construction de la deuxième phase du port de Kribi, la construction du port en eau profonde de Limbé dont les études de faisabilité sont en cours d’actualisation, et enfin la réhabilitation du port fluvial de Garoua. Dans le domaine ferroviaire, nos efforts portent sur la réhabilitation du réseau existant, notamment les tronçons Douala-Yaoundé et Belabo-Ngaoundéré, ainsi que sur la construction de nouvelles voies ferrées : Douala-Limbé-Idenau, Douala-Ngaoundéré, Edéa-Kribi-Campo, Mbalam- Kribi, et Ngaoundéré-Ndjamena. Pour ce qui est du domaine aérien, nous poursuivons la mise aux normes des aéroports internationaux et réhabilitons les aéroports secondaires tels que celui de Kribi. En termes de sécurité routière, la lutte contre les accidents se poursuit inlassablement et sera renforcée notamment à l’aide des outils TIC. Et pour finir, dans le domaine de la météo, en soutien à la politique d’importsubstitution, la modernisation et la densification du réseau météorologique national constitue une priorité. Les efforts pour équiper les stations météorologiques s’imposent.
Pour ces prochaines années, comment comptez-vous favoriser le développement vertical des villes et accroître la mobilité dans les grandes agglomérations du pays ?
L’accroissement de la population et l’étalement urbain ont favorisé la multiplication des déplacements dans nos centres urbains. Cette situation entraîne des congestions, de la pollution et même des accidents de la circulation. Afin d’y remédier, des efforts conjugués doivent être consentis en agissant en même temps sur la planification urbaine, la planification des déplacements et le développement des transports urbains de masse. Étant donné que l’organisation et la gestion des transports urbains est une compétence transférée aux collectivités territoriales décentralisées, les efforts du gouvernement consisteront à les accompagner, notamment en élaborant et en mettant en oeuvre les plans et stratégies de mobilité urbaine durable ainsi qu’en densifiant l’offre de transport urbain grâce à la mise en place des moyens de déplacements de masse et à l’aménagement des infrastructures appropriées. Une autre solution en cours de réflexion au ministère des Transports est le développement du transport fluvial. En effet, compte tenu du potentiel du Cameroun en matière de voies navigables, ce mode de déplacement constitue une alternative pertinente au transport routier. Non seulement il présente l’avantage d’être non polluant, mais en plus, il pourra absorber une bonne part du trafic routier, générant par conséquent une baisse de la congestion.
Quelle est la portée de l’accord bilatéral signé le 2 juin dernier entre le Cameroun et le Canada représenté par le haut-commissaire du Canada ? Les négociations relatives aux services aériens et à l’industrie de l’aviation civile entre les deux pays vont-elles être renforcées ?
L’accord aérien signé entre le Cameroun et le Canada vient s’ajouter à la coopération déjà perceptible entre nos deux pays, notamment la coopération entre la compagnie nationale Camair-Co et Bombardier Canada dans le cadre du renforcement de sa flotte. Comme bénéfice de tout accord aérien, la desserte de nos deux pays par les compagnies aériennes désignées ouvre la voie au développement d’opportunités commerciales, à la facilitation du mouvement des personnes, dont le volume est en constante évolution, ce qui accroît les flux économiques et le développement de l’industrie de l’aviation, du tourisme et des activités connexes. En outre, la signature de cet accord peut être l’occasion d’approfondir les axes de coopération dans le domaine aérien et de s’inspirer de la notoriété et de l’expertise de l’industrie aérienne canadienne dans le monde. En 2021, votre gouvernement a annoncé un programme d’aides d’État de 15 milliards de FCFA (22,8 millions d’euros) au profit de la compagnie aérienne Camair-Co.
À quoi était destiné cet appui financier et qu’attend le gouvernement dans la gestion de Camair-Co ?
L’appui financier que l’État du Cameroun a octroyé à Camair-Co en 2021 entre dans le cadre du plan de restructuration de cette compagnie aérienne. Cette somme de 15 milliards de FCFA a permis la maintenance des deux Boeings 737 de la compagnie et l’acquisition de deux aéronefs Q400 de Bombardier que la compagnie avait déjà expérimentés en leasing au cours de l’année 2018. Ces aéronefs sont mieux adaptés aux lignes de courte distance. Dans son plan de relance, la compagnie aérienne Camair-Co s’est concentrée sur la desserte du réseau national avec les vols domestiques qui lui garantissent 45 % de ses parts de marché, y compris les vols en direction de la sous-région. Le gouvernement attend donc, en termes de cahier des charges, que ces dessertes soient effectivement couvertes.
Pour cette année 2022 qui tire à sa fin, pensez-vous pouvoir atteindre tous les objectifs inscrits sur votre feuille de route ?
Pour l’exercice 2022, la lettre de mission assignée au ministère des Transports portait principalement sur la poursuite de la construction de la 2e phase du port de Kribi et la réhabilitation/construction de voies ferrées. À date, les travaux de construction du port de Kribi avancent dans de bonnes conditions et les financements y relatifs sont mobilisés. Par ailleurs, les accords de partenariat pour la réalisation des projets ferroviaires ont été conclus. Sur le plan de l’amélioration des services, le Train Express, dont la reprise a eu lieu le 1er juillet 2021, assure le déplacement des populations entre Yaoundé et Douala dans des conditions de sécurité et de confort. Il faut également noter la baisse significative des accidents de circulation depuis le début de l’exercice 2022. Au regard de toutes ces actions menées avec satisfaction, nous avons de bonnes raisons de penser que les objectifs inscrits sur notre feuille de route auront été largement atteints.
Propos recueillis par Serge-Henri Malet