« Le dialogue avec l’État et les partenaires privés pour améliorer l’inclusion financière »

Fraîchement élu président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire (APBEF-CI), Jérôme Ehui, dirigeant de Versus Bank, indique que de 2019 à 2020, le taux de bancarisation en zone UEMOA est passé de 17,7 à 19,3 %, s’établissant à 20,4 % en Côte d’Ivoire, à 27 % au Togo et à 31,2 % au Bénin.

Quel sentiment vous anime d’avoir été élu le 13 janvier 2022 à la présidence de l’APBEF Côte d’Ivoire ?

Jérôme Ehui : Un sentiment de fierté et surtout de reconnaissance vis-à-vis de mes pairs qui m’ont porté à la tête de notre association. Je reçois cet honneur avec beaucoup d’humilité et, en succédant au président Daouda Coulibaly, je mesure toute la responsabilité qui m’incombe de poursuivre le chemin qu’il a initié, avec talent et humilité, pour exposer des positions claires et faire avancer le développement de notre secteur d’activité. J’entends poursuivre avec appétit ce chemin tracé par mon illustre prédécesseur. En 2018, la Côte d’Ivoire, pourtant leader de la zone UEMOA, ne comptait qu’une agence bancaire pour 36 000 habitants avec 25 banques. En 2022, comment est structuré le réseau bancaire ivoirien ? Dans l’UEMOA, deux indicateurs sont retenus pour mesurer le degré d’accès des populations aux services financiers : le taux global de pénétration démographique des services financiers, qui mesure le nombre de points de services disponibles pour 10 000 adultes, et le taux global de pénétration des services financiers, qui évalue le degré de proximité, c’est-à-dire le nombre de points de services disponibles sur une superficie de 1 000 km2. S’agissant du taux global de pénétration démographique des services financiers, il a connu une hausse de 9 points, passant de 102 à 111 points de services pour 10 000 adultes de 2019 à 2020. Le taux de pénétration démographique le plus élevé a été observé au Bénin avec 253 points, suivi du Mali (185) et de la Côte d’Ivoire (118). À ce niveau, on note que la Côte d’Ivoire a enregistré une progression de 3 points. Le taux global de pénétration géographique des services financiers a lui aussi connu une augmentation, passant de 205 à 234 points de services sur 1 000 km2 de 2019 à 2020 (contre 111 deux ans auparavant). Le Bénin, avec 1 533 points de services financiers sur 1 000 km2 en 2020, enregistre le taux le plus élevé de l’Union. Il est suivi de la Côte d’Ivoire, qui totalise 628 points. De ceci, il ressort que le processus de densification du réseau de distribution des services financiers se poursuit. Entre 2019 et 2020, comment ont évolué les autres taux de bancarisation au sein de la zone UEMOA ? Ces taux sont des indicateurs d’utilisation effective des services financiers, qui constituent une dimension importante de l’inclusion financière. Ils sont au nombre de trois : le TBS (taux de bancarisation strict), le TBE (taux de bancarisation élargie) et le TGVSF (taux global d’utilisation des services financiers). Le taux de bancarisation strict mesure le pourcentage de la population adulte détenant un compte dans les banques, dans les services postaux, dans les caisses d’épargne et au Trésor. Dans l’UEMOA, le TBS a progressé de 1,6 point de pourcentage, passant de 17,7 à 19,3 % de 2019 à 2020. La Côte d’Ivoire affiche un taux de 20,4 %, contre 31,2 % pour le Bénin, 27 % pour le Togo et 20,6 % pour le Burkina Faso. Le taux de bancarisation élargie ajoute au pourcentage de la population adulte titulaire de comptes dans les banques, les services postaux, les caisses nationales d’épargne et le Trésor celui des détenteurs de comptes dans les institutions de microfinance. Le TBE dans l’Union est de 31,8 % en 2020, contre 38,8 % en 2019. La Côte d’Ivoire se situe à 32,56 %. Quant au taux global d’utilisation des services financiers, ou taux d’inclusion financière, il ajoute au TBE le pourcentage de titulaires de comptes de monnaie électronique. Ce taux ressort dans l’UEMOA à 63,8 % en 2020, contre 60 % en 2019. En Côte d’Ivoire, il ressort à 79,1 % en 2020. Après ces précisions, nous pouvons dire que le système bancaire s’inscrit dans une dynamique de rapprochement avec les populations. L’arrivée probable d’autres banques serait donc une aubaine permettant un large choix. Les actions mises en place en faveur de la bancarisation sont la sensibilisation et l’éducation financières ainsi que la diversification des produits et services financiers. L’arrivée d’Orange Bank sur le marché ivoirien indique que des mutations s’opèrent dans le secteur, où il est évident que les banques sont concurrencées par les opérateurs de téléphonie, qui proposent eux aussi des opérations bancaires. Comment ces changements impactent-ils les banques traditionnelles de la place ? Ce n’est pas tout à fait exact de dire qu’il y a une concurrence entre banques et émetteurs de monnaie électronique (EME). En effet, la réglementation circonscrit le champ d’action de chaque acteur et plafonne la valeur des opérations réalisées par les EME. Á l’origine, on ne parlait pas de concurrence, mais plutôt de partenariat entre banques et EME, ces derniers devant rediriger leur portefeuille de ressources dans les livres des banques. Á ce propos, il faut différencier Orange Money, qui est un EME, et Orange Bank, qui est une banque, même si Orange Bank a bénéficié directement du portefeuille clients d’Orange Money. La libéralisation des canaux USSD offre aux autres banques des possibilités de partenariat avec des fintech – l’expérience du partenariat Wave-UBA en est l’exemple le plus probant –, et de nouvelles expériences sont attendues. En termes de total bilan, le marché bancaire ivoirien connaît une croissance de 15 % en glissement annuel et s’affiche à 16 983 milliards de FCFA en juin 2021, contre 14 727 milliards en juin 2020. Cette tendance haussière va-t-elle s’amplifier en 2022 ? Tout d’abord, il faut préciser que le dynamisme du secteur lui a permis de franchir un total bilan de 18 000 milliards de FCFA et, sauf choc extérieur avec risque systémique, nous devrions être maintenus sur le même sentier de croissance. Tous les indicateurs sont pratiquement à un taux moyen de croissance annuel proche de 15 % depuis 10 ans. Deux situations confortent nos hypothèses : la maîtrise des risques prudentiels, contrôlée rigoureusement par la commission bancaire de l’UMOA, et l’inclusion financière des populations, accélérée par le développement du digital. Sur votre feuille de route 2022, quelles sont vos priorités ? Merci pour cette question qui nous permet de mettre en lumière la vision qui est la nôtre, c’est-à-dire l’inclusion financière en général et l’inclusion bancaire en particulier. Il s’agira d’assurer la défense des intérêts des membres de l’APBEF-CI dans le cadre de la promotion et du développement des activités bancaires et financières, tant dans les relations entre les membres que dans les rapports avec les autorités gouvernementales et toute organisation ou institution nationale ou internationale (Banque centrale, Trésor public, etc.) pouvant agir pour le développement du secteur bancaire. En plus du maintien de la visibilité et de la représentativité de la profession, nous souhaitons activer et animer le dialogue avec l’État et les partenaires du privé à travers leurs faîtières pour l’amélioration de l’inclusion bancaire des acteurs exclus du marché.

Propos recueillis par Paul de Manfred

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