Entretien – Présidente de l’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun

Entretien – Présidente de l’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun

« Une tendance haussière maintenue en 2022 grâce à la résilience des banques »

Gwendoline Abunaw, présidente de l’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (APECCAM) fraîchement élue à l’unanimité des membres de cette institution, détaille les chiffres d’un secteur bancaire camerounais sur la pente ascendante.

Le 23 juin dernier, vous avez été élue présidente de l’APECCAM à l’unanimité des membres réunis en assemblée générale à Douala. Comment ressentez-vous votre accession à la présidence de cet organisme et le fait de succéder à Alphonse Nafack qui, pendant sept ans, soit 3 mandats, l’a dirigé ?

Gwendoline Abunaw : Le sentiment qui m’anime est une grande fierté après avoir été portée par mes pairs à la tête de l’illustre association qu’est l’APECCAM. C’est d’ailleurs le lieu pour moi de féliciter le président sortant pour l’ampleur de la tâche accomplie avec l’équipe du secrétaire général. Je vais bien sûr poursuivre cette oeuvre en essayant de franchir un nouveau cap dans la performance de notre industrie et en préservant le rôle de locomotive que nous jouons dans le système bancaire de la CEMAC.

Quels établissements composent le réseau bancaire du Cameroun ?

L’APECCAM regroupe en effet l’ensemble des établissements de crédit du Cameroun, soit 17 banques, 4 établissements publics à caractère bancaire et 4 établissements financiers. C’est dire qu’il s’agit bien d’une
institution centrale et prépondérante dans le financement de l’économie nationale.

En 2020, le taux de bancarisation s’élevait à 26,9 %. En 2021, a-t-il augmenté, et comment a évolué le réseau bancaire ?

L’APECCAM participe activement à l’inclusion financière, d’une part en veillant à l’assouplissement des conditions d’accès de la population aux services bancaires, d’autre part en soutenant la densification du réseau des agences et des guichets automatiques de banque (GAB) auprès des clients. C’est probablement pourquoi certaines statistiques évoluent favorablement. Ainsi, le nombre d’agences est passé de 328 en 2020 à 353 en 2021, soit + 7,6 %, le nombre de GAB est passé de 741 en 2020 à 805 en 2021, soit + 8,6 %, le taux de bancarisation strict de la population active est passé de 26,9 % en 2020 à 28,4 % en 2021, et ce, il faut le souligner, malgré le contexte de crise sanitaire. Pour ce qui est de la densité du réseau bancaire, elle reste stable à 1,3 agence pour 100 000 habitants au sens strict, alors que la densité au sens large – c’est-à-dire incluant tous les établissements financiers en plus des banques stricto sensu – affiche 3,2 agences pour 100 000 habitants. Enfin, nous déplorons l’importance du volume des créances brutes en souffrance, qui s’établissait à 15,6 % au 31 décembre 2021 et qui nous interpelle tous.

Comment appréhende-t-on au sein de l’APECCAM le développement fulgurant des services de Mobile Money en Afrique, y compris au Cameroun ? Peut-ondire que le Mobile Money et la banque digitale sont concurrents ou plutôt complémentaires ? Ces nouveaux outils financiers sont-ils pris en compte dans le calcul du taux global de pénétration géographique des services financiers ?

La valeur des transactions du Mobile Money est passée de 12,544 milliards de FCFA en 2020 à 15,329 milliards de FCFA en 2021, soit + 22,2 %. Et leur progression dans les zones rurales va s’intensifier avec la structuration des activités financières et la digitalisation, mais il faut rappeler que cette évolution reste tributaire de l’augmentation des investissements dans les infrastructures ainsi que d’une simplification accrue des procédures que nous appelons de nos voeux. Le point positif est que le développement du Mobile Money constitue une excellente passerelle pour l’inclusion financière. Toutefois, précisons que l’accès au service de Mobile Money ne sous-entend pas la possession d’un compte bancaire, même s’il s’agit d’une étape qui prépare les usagers à la bancarisation. De ce point de vue, l’on peut considérer que la banque digitale et le Mobile Money sont bien complémentaires. Enfin, ces nouveaux instruments financiers sont effectivement pris en compte dans le taux global de pénétration des services financiers, mais pas nécessairement dans le calcul du taux de bancarisation proprement dit. Un rapport de la BEAC publié en 2021 indiquait que le poids du bilan des banques commerciales camerounaises représentait 45 % de celui de la sous-région à fin 2020, confortant la place d’acteur financier majeur du Cameroun dans la zone CEMAC.

Quels facteurs expliquent cette domination bancaire camerounaise ?

Le leadership du système bancaire camerounais dans la zone CEMAC tient à plusieurs facteurs, au rang desquels nous pouvons citer la position géographique du pays ainsi que sa remarquable diversité. Idéalement situé aux confins de zones anglophones et francophones entre le Nigeria au nord-nord-ouest, le Tchad au nord-nordest, la République centrafricaine à l’est, la République du Congo au sud-est, le Gabon au sud, la Guinée équatoriale au sud-ouest et le golfe de Guinée au sud-ouest, il est une porte d’entrée en Afrique centrale grâce à sa façade maritime et à ses frontières avec pas moins de six pays. Ensuite, nous pouvons également attribuer le leadership du Cameroun au dynamisme et à l’esprit entrepreneurial de ses populations. Enfin, n’omettons pas de mentionner sa politique de diversification de
l’économie et les projets structurants qui offrent de bonnes possibilités d’intermédiation financière.

Peut-on avoir un aperçu de l’évolution des agrégats sur ces deux dernières années ? Pensez-vous que la tendance haussière du total bilan pourrait s’amplifier en 2022 ?

En ce qui concerne l’évolution des agrégats en 2021, nous avons un total bilan qui s’affiche à 8 087 milliards de FCFA, contre 7 010 milliards de FCFA en 2020, soit + 15 %. Le crédit arbore quant à lui une évolution de + 9,3 %, quand dans le même temps la sinistralité décroît de 16,6 à 14,9 %. Le résultat net révèle pour sa part un bond + 24 % en passant de 84,9 milliards de FCFA en 2020 à 105,4 milliards en 2021. Enfin, à 6 258,6 milliards de FCFA en 2021, le total dépôts fait montre d’une hausse de 6 %. D’une façon générale, le système bancaire camerounais a connu un accroissement d’activité de 15,4 % en 2021, contre 9,3 % en 2020. Cette tendance haussière devrait se maintenir en 2022 au regard de la résilience des banques et de leur capacité d’innovation.

Pour renforcer la stratégie de proximité des banques envers le client, comptez-vous pérenniser l’organisation de la Semaine de la Banque ?

S’agissant de la Semaine de la Banque, nous notons avec satisfaction le succès de la 1re édition et comptons tout mettre en oeuvre pour poursuivre cette grande expérience. Elle est une occasion de communion entre le secteur bancaire, l’APECCAM et ses partenaires. La prochaine édition comportera certainement beaucoup d’innovations que vous découvrirez le moment venu.

Quelle sera votre priorité pour votre premier mandat ?

Notre priorité porte sur l’accentuation du rôle de l’APECCAM en tant que force de proposition et comme partenaire de référence des autorités pour le financement de l’économie du Cameroun.

Propos recueillis par Andju Ani

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