Opposition: Lassitude et confusion dans les rangs

Opposition: Lassitude et confusion dans les rangs

Avec le départ d’Ibrahim Yacouba, président du MPN-Kiishin Kassa qui a rejoint la majorité présidentielle en avril 2022, l’opposition a vu son poids s’affaiblir au Parlement. Cependant, depuis l’arrivée au pouvoir du président Bazoum et l’institutionnalisation de la fonction de chef de file de l’opposition, elle a pu se renforcer.

Après l’épisode enflammé des échéances électorales de 2021 s’étant finalement conclues par la victoire du candidat Mohamed Bazoum au deuxième tour de la présidentielle, l’immédiat enjeu majeur pour l’opposition politique nigérienne était de parvenir à survivre et de consolider sa force en resserrant les rangs des formations politiques coalisées au sein du Cap 20-21. Car sans programme véritablement viable, le seul objectif ayant été de barrer la route au candidat du parti au pouvoir (PNDS-Tarayya), remporter cette présidentielle par la coalition semblait très incertain. De plus, après l’élection contestée du président Mohamed Bazoum, l’opposition politique avait urgemment besoin de faire ses preuves dans la combativité face au nouveau pouvoir en place à Niamey. Il lui fallait d’abord engager la lutte pour gagner la bataille judiciaire menée par le candidat malheureux Mahamane Ousmane du Rassemblement démocratique et républicain (RDR-T chanji) en vue d’obtenir l’annulation des résultats du scrutin présidentiel ayant consacré la victoire de Mohamed Bazoum. Le RDR-T chanji épuisa toutes les voies de recours, allant jusqu’à saisir la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), sans obtenir gain de cause. L’autre front sur lequel les militants de l’opposition attendaient des résultats était la libération immédiate de certains leaders, dont Hama Amadou, figure emblématique du parti Moden Fa Lumana, ainsi que de plusieurs centaines de militants, tous mis aux arrêts pour des faits liés aux violences post-électorales ayant semé le chaos notamment dans les rues de Niamey. Rien n’y fit ! Car même si, après environ un mois de détention, Hama Amadou a été autorisé à se rendre en France pour se faire soigner, les autres détenus n’ont pas été libérés, sans d’ailleurs que leurs « amis » de l’opposition daignent tenter de les sortir d’affaire. Sur ces entrefaites, la coalition Cap 20-21 amorça la chronique de sa mort annoncée avant de se disloquer dans les méandres des déceptions de certains leaders et de la grande masse des militants laissés sans repère. Comme on le sait, la force de toute opposition réside dans le leadership, le charisme et l’engagement farouche de ses leaders, toute chose qui a cruellement fait défaut à cette opposition politique désormais conduite par le très résilient et modéré Mahamane Ousmane après l’exil du leader du Moden Fa Lumana. Aux yeux des observateurs avertis de l’arène politique nigérienne, les dés étaient déjà jetés pour sceller le sort de cette opposition balbutiante et sans ambition. Un climat propice à démotiver à la fois les troupes et les leaders des partis politiques. La déception était d’autant plus grande que ces leaders croyaient avoir trouvé en la fameuse coalition Cap 20-21 un cadre idéal pouvant porter loin et haut le flambeau du combat citoyen et démocratique et imposer l’équilibre des forces face au nouveau régime de la Renaissance acte III. Et la suite, on la connaît ! Faute de figures charismatiques et d’objectif de combat, l’opposition sombra dans  ne profonde fébrilité, allant jusqu’à perdre de son poids à l’Assemblée nationale avec notamment, en avril 2022, le départ de ses rangs du parti MPN-Kiishin Kassa de Ibrahim Yacouba, qui rejoignit le camp du pouvoir, le ragaillardissant ainsi de six députés dans l’hémicycle.

La porte était alors ouverte aux ralliements en masse des militants de l’opposition au camp présidentiel. Une confusion qui n’épargna aucune formation politique. Du côté du RDR-T chandji, Mahamane Ousmane assista impuissant à la désertion d’un de ses fidèles lieutenants en la personne du sulfureux Doudou Rahama qui, tambour battant, enjamba la barrière pour rejoindre la majorité au pouvoir. Depuis lors, la seule voix audible au milieu des décombres de l’opposition demeure finalement celle de l’intrépide Ladan Tchiana, président d’AMENAMIN, dont les déclarations publiques sont loin de jouer l’équilibre face à la majorité présidentielle. Cependant, pour le président Mohamed Bazoum, le respect des règles et principes démocratiques ne doit souffrir d’aucune entorse. Il l’avait du reste clairement annoncé dans son discours d’investiture : « Je suis disposé à entretenir avec l’opposition le dialogue constructif qu’il faut pour favoriser un climat politique apaisé, propice aux intérêts de notre pays. » C’est donc dans ce sens que le pouvoir en place, partant du fait que la vivacité de la démocratie réside dans l’existence d’une opposition, s’efforce de reconnaître à l’opposition, même si elle n’est que l’ombre d’elle-même, la place qui est la sienne dans le paysage politique national, et de collaborer avec elle. Cette attitude de l’exécutif
pourrait également trouver son fondement dans la prise en compte du contexte sécuritaire régional instable, pour lequel le pays a besoin de créer des conditions d’apaisement favorables à l’indispensable union sacrée face aux menaces accentuées des groupes terroristes, ces forces du mal qui assaillent tous les pays de la bande sahélienne, dont le Niger. C’est dans cette optique que le gouvernement a décidé de renforcer le statut de l’opposition politique avec l’adoption, à l’issue du Conseil des ministres du 12 mai 2022, du projet d’ordonnance modifiant et complétant le statut de l’opposition politique au Niger.« Dans le cadre de la promotion de la bonne gouvernance et de la consolidation des institutions démocratiques, il est apparu nécessaire de réviser l’ordonnance portant statut de l’opposition afin de permettre au chef de file de l’opposition d’exercer pleinement son rôle de porte parole de cette institution », précise le communiqué du Conseil. Puis, à leur tour, les parlementaires adoptèrent en décembre 2022 à l’unanimité le projet de loi déterminant le traitement de base, les indemnités et les autres avantages alloués au chef de file de l’opposition politique, fonctions dévolues à Tahirou Saidou, du Moden Fa Lumana, suite à sa nomination par un décret dûment signé par le président de la République en février 2022.

Le décor est ainsi bien planté pour permettre aux forces politiques de renouer avec les concertations au sein du Conseil national du dialogue politique (CNDP) à travers une réunion tenue en septembre 2022 autour de deux points principaux : la situation sécuritaire et les élections des Nigériens de la diaspora. Dans une intervention faite à cette occasion, le leader de l’opposition politique Tahirou Saidou a insisté sur l’impérieuse nécessité pour l’ensemble des acteurs politiques de faire preuve d’un sursaut patriotique dans l’intérêt unique de la Nation :«Nous sommes disposés, nous, dans l’opposition, à travailler ensemble pour l’intérêt de notre pays, et non pour l’intérêt de quelqu’un. »

Assane Soumana

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