Politique intérieure: Le Niger joue un rôle crucial dans la lutte contre le terrorisme

Le Niger joue un rôle crucial dans la lutte contre le terrorisme

Le Niger joue un rôle crucial dans la lutte contre le terrorisme

Visite historique d’un secrétaire d’État américain à Niamey, déplacement stratégique du président Bazoum à Cotonou à propos de l’acheminement du brut nigérien par pipeline vers le port de Sèmè, au Bénin, autant de relations internationales liées à la stabilité politique du Niger, à sa fiabilité et à son haut potentiel de prospérité.

Les 16 et 17 mars dernier, pour la toute première fois, un secrétaire d’État américain s’est déplacé au Niger. Une séance de travail entre Antony Blinken et le président Mohamed Bazoum s’est tenue en présence de leurs délégations, suivie d’un tête-à-tête de près de trois heures. « Cela témoigne de la qualité et de la force des relations entre les États-Unis et le Niger », s’est réjoui Hassoumi Massaoudou, chef de la diplomatie nigérienne, lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue américain. Il semble donc évident que pour les Occidentaux, le Niger fait figure de pays stable dans une région du Sahel en crise aiguë. Une stabilité retrouvée en 2011, après l’élection de Mahamadou Issoufou qui, conformément à ce qu’il avait annoncé, s’est retiré en 2021 à la fin de son second mandat, cédant démocratiquement la place à son dauphin Mohamed Bazoum et montrant à son peuple ainsi qu’à la communauté internationale la première passation de pouvoir pacifique en plus de cinquante ans entre deux présidents élus. Les échanges entre Antony Blinken et Mohamed Bazoum ont porté sur les moyens de faire progresser le partenariat américano-nigérien dans les domaines de la diplomatie, de la démocratie, du développement et de la défense. Rappelons que le pays de Mohamed Bazoum, qui abrite trois bases militaires occidentales, est considéré par les pays occidentaux comme « un pays clé et crucial » dans la lutte contre le terrorisme. Certes, cette forte présence militaire étrangère fait régulièrement l’objet de condamnations de la part des responsables de la société civile nigérienne qui accusent les autorités « d’aliéner » la souveraineté du pays. Mais c’est oublier l’effet dissuasif de cette présence militaire, à la différence du Burkina Faso et du Mali, où 40 % des territoires ne sont plus sous le contrôle politique et administratif du gouvernement. C’est donc cette réalité que le président Mohamed Bazoum évoque à l’envi lors de ses plaidoyers devant les investisseurs potentiels : « Aucun centimètre de ce pays n’est à ce jour tombé dans les mains des terroristes. » Outre un détachement d’environ 400 soldats italiens qui, dans les faits, n’ont pas de base et opèrent dans le cadre de la Mission bilatérale italienne d’appui en République du Niger (MISIN) sise à la base aérienne 101 de Niamey, on note la présence de trois bases militaires dans la capitale, dont la plus ancienne est française et a été renforcée en 2022 après que la force Barkhane s’est retirée du théâtre malien pour se redéployer au Niger dans des unités de combat mixte regroupant des soldats nigériens et français. Plus de 1 000 soldats français sont stationnés à Niamey, où l’armée française dispose d’une base aérienne dévolue aux drones et avions de chasse actifs dans la lutte contre les groupes djihadistes. Niamey où est aussi stationné un groupement tactique désert (GTD) capable d’intervenir rapidement dans la zone proche du Mali dite « des trois frontières » qui sert souvent de refuge aux djihadistes. Quant à l’armée allemande (Bundeswehr), composée de 250 hommes, elle dispose aussi d’une base aérienne à Niamey, même si sa participation à la mission Gazelle est en partie concentrée sur la formation de forces spéciales nigériennes.

Les soldats américains, eux, sont stationnés dans la ville d’Agadez où le Pentagone, ministère de la Défense américain, a construit dès 2018 pour un coût de plus de 50 milliards de FCFA l’importante base militaire aérienne Air Base 101 depuis laquelle sont utilisés des drones armés de type Reaper MQ-9 aussi appelés « tueurs de terroristes » car destinés à attaquer et surveiller les djihadistes. Plus de 800 soldats américains sont déployés et accompagnent les forces de défense nigériennes dans la collecte de renseignements et dans d’autres missions offensives. Des médias américains, citant un porte-parole de l’US Air Force, ont indiqué que « cette base américaine du Niger est la plus onéreuse construction jamais entreprise par les forces aériennes américaines ». Le précédent record appartenait à la base Phan Rang qui, pendant la guerre du Vietnam en 1969, abritait quelque 150 avions. Durant son séjour à Niamey, Antony Blinken a indiqué que son pays renouvelait son soutien au Niger dans ses efforts de lutte contre le terrorisme. Raison pour laquelle, pour l’année 2023, le gouvernement américain va débloquer une enveloppe de 150 millions de dollars dans le cadre de l’aide humanitaire et pour la santé, ce qui porte à plus de 1 000 milliards de FCFA l’ensemble de l’aide américaine au pays de Mohamed Bazoum. Ajoutons qu’une rencontre a également eu lieu entre Antony Blinken et des djihadistes nigériens repentis qui bénéficient actuellement d’un programme de réinsertion financé à hauteur de 20 millions de dollars par le gouvernement américain.

Mais pourquoi cette visite inédite à Niamey du chef de la diplomatie américaine ?

Le professeur Diallo Boubacar, coordonnateur du Laboratoire sahélien d’études et de recherches sur les conflits et la sécurité, avance l’analyse suivante : « Cette visite a tout son sens dans la mesure où le Niger est un pays à cheval entre l’Afrique subsaharienne et le Maghreb. C’est aussi la trajectoire historique du Niger, qui a toujours été un pays très lié à la France et aux États-Unis. L’OTAN a besoin d’alliés fiables en Afrique. C’est le cas avec le Niger. Á un moment où certains pays africains basculent vers la Russie eu égard à l’échec des pays occidentaux dans la lutte contre le terrorisme. J’ajouterai que la guerre du Sahel est l’une des conséquences de l’assassinat du président Kadhafi, dont la disparition a conduit à la dispersion des armes lourdes venant des armureries libyennes dans notre sous région, et à sa déstabilisation. » Dans ce soutien au Niger, l’Union européenne (UE) n’est pas en reste. Ulf Laessing, directeur du programme Sahel de la Fondation allemande Konrad Adenauer, indique que son pays, l’Allemagne, va former une unité de reconnaissance à Téra, à l’ouest du pays vers la frontière avec le Mali et le Burkina Faso. De plus, la mission européenne de partenariat militaire va oeuvrer à la mise en place d’un centre de formation des techniciens des forces armées nigériennes et devra également fournir, sur demande, des conseils d’experts et des formations aux spécialistes des forces armées nigériennes. Enfin, l’UE prévoit la création d’un bataillon de communication et d’aide au commandement, une mission qui coûtera près de 28 millions d’euros et durera trois ans. Comme on le voit, l’objectif visé aussi bien par les Américains que par les pays de l’UE est de parvenir à « professionnaliser » les forces armées et de défense nigériennes. Une autre visite répondait à de stratégiques enjeux économiques. Celle effectuée par le chef de l’État nigérien accompagné d’une forte délégation de ministres, hauts fonctionnaires, hommes d’affaires et directeurs de sociétés les 13 et 14 mars dernier à Cotonou, au Bénin, pays dirigé par Patrice Talon. Á l’occasion de ce déplacement, le président Mohamed Bazoum s’est prononcé sur le partenariat économique qui lie le Niger au Bénin dans le cadre de l’acheminement du pétrole nigérien qui, rappelons-le, doit partir de la ville de Gaya, dans le sud-ouest du Niger près de la frontière avec le Bénin, par un pipeline considéré comme le plus long d’Afrique et dont la construction est en cours. Cet oléoduc s’étend en effet sur près de 2 000 km, dont 1 250 km au Niger, et doit relier les puits pétroliers du gisement de l’Agadem au port de Sèmè, dans le sud du Bénin, d’où sera évacué le brut nigérien. Bien évidemment, durant de cette visite, les questions économiques ont éclipsé les questions sécuritaires. Pendant la conférence de presse commune, le président Mohamed Bazoum a évoqué tous les profits que le Bénin va tirer de cet acheminement du pétrole nigérien vers son port. « Le pétrole du Niger est aussi devenu celui du Bénin », a-t-il même avancé, rappelant que les taxes payées feront que « le pétrole du Niger bénéficiera au peuple du Bénin aussi. Et c’est cette relation stratégique que nous entendons construire entre nos deux pays. » Il est vrai que ce partenariat devrait permettre au Bénin d’engranger l’équivalent de 300 milliards de FCFA en droits de transit et recettes fiscales pour les vingt premières années. S’y ajoutent la construction d’écoles dans les régions traversées par le pipeline, ainsi que la création d’environ 3 000 emplois, cette fois aussi bien au Bénin qu’au Niger. De son côté, Patrice Talon s’est ouvertement réjoui de ce partenariat aux retombées fructueuses pour son pays : « Si d’ailleurs nous avons autant d’attente et d’enthousiasme pour l’exploitation et l’exportation du pétrole nigérien, c’est bien parce qu’il y a un intérêt pour les frères et soeurs du Bénin.

Le passage du brut nigérien par le territoire béninois va générer des revenus pour l’État béninois, et c’est très important. » Les autorités du Niger et du Bénin, conscientes du climat sécuritaire particulièrement difficile qui sévit dans la sous-région, ont déployé plus de 700 soldats pour assurer en permanence la sécurité de l’ouvrage, jusqu’ici épargné par les attaques djihadistes. La construction de l’oléoduc a débuté en 2019, et le chantier devait en principe se terminer en 2022, mais la pandémie de Covid-19 a ralenti la cadence des travaux, dont le taux d’exécution est de l’ordre de 75 %. Le pipeline doit donc entrer en activité à l’horizon 2024. Le Niger produit quotidiennement 20 000 barils de brut par jour. L’objectif est d’atteindre 200 000 barils en 2026. En 2020, la Banque mondiale estimait que le quart du PIB du Niger serait à terme généré par le pétrole. Et pourtant, à l’origine, le brut nigérien devait transiter par le port camerounais de Kribi via le Tchad voisin. Mais les autorités nigériennes ont préféré le port béninois, qui exporte déjà l’uranium nigérien. Autant de raisons qui laissent entrevoir un renforcement de l’axe Cotonou-Niamey ces prochaines années.

Paul de Manfred

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