Durant son quinquennat, le président Touadéra s’est appuyé sur deux outils majeurs pour implémenter ses réformes et assurer une stabilité à son pays : le plan national de Relèvement et de consolidation de la paix en Centrafrique (RCPCA) et l’accord politique signé le 6 février 2019.
Quand les leaders de l’opposition doivent se prononcer sur le bilan du président sortant Faustin-Archange Touadéra, ils le critiquent violemment. Tout est négatif : « Il n’y a tout simplement pas de bilan. Il est négatif sur le plan sécuritaire. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, les groupes armés occupaient 30 à 40 % du territoire, aujourd’hui ils ont augmenté leur surface d’occupation. Bilan économique négatif aussi puisque, les groupes armés occupant la majorité du pays, les Centrafricains ne peuvent plus vaquer à leurs activités.» S’ils sont certes dans leur rôle, ils forcent peut-être un peu le trait. En effet, à l’examen de ces quatre dernières années, l’ont relève des avancées notables dans plusieurs secteurs. Bien sûr, le président Touadéra n’a pas tout réussi dans un pays longtemps secoué par des guerres fratricides, mais ses différents gouvernements, que ce soit celui de Simplice Mathieu Sarandji du 2 avril 2016 au 23 février 2019 ou celui de Firmin Ngrebada depuis le 25 février 2019, se sont employés à faire de la sécurité durable et de la défense du territoire national la priorité des priorités. D’ailleurs, au moment de sa profession de foi prononcée lors de son investiture en 2016, le président Touadéra avait déclaré : « La sécurité est une exigence républicaine, c’est la première des libertés. J’y répondrai avec fermeté. Je m’emploierai à appliquer très rapidement le programme du Désarmement, de la démobilisation, de la réinsertion et du rapatriement (DDRR) pour favoriser le retour à la paix et à la sécurité, ceci en concertation avec nos partenaires. » DDRR : bilan encourageant À Bria, ville diamantifère de l’est du pays au coeur des conflits qui ont ravagé le pays depuis près de 20 ans, le bilan de la première phase du DDRR est plutôt encourageant : les opérations de désarmement lancées mi-septembre 2020 ont pris fin le 25 du même mois, ont touché près de 600 ex-combattants de quatre groupes armés – le FPRC, le RPRC, le MPC et le MLCJ – et ont permis la collecte de 243 armes de guerre de tous calibres, de 6 000 munitions et d’une cinquantaine d’explosifs. Ce processus intervenait après celui ayant ciblé la ville de Ndélé, dans le nord du pays, où près de 350 ex-combattants du FPRC avaient aussi été désarmés et où 250 armes de guerre avaient été collectées. D’autres villes ont également fait l’objet de l’opération DDRR, telle que Birao, à l’extrême nord, ou Kaga- Bandoro, au centre du pays. Le président Touadéra sait que ce processus de désarmement est long et délicat, a fortiori parce que sur le terrain, il ne bénéficie pas forcément de l’adhésion de tous les acteurs politiques.
En témoigne l’arrestation de Socrate Bozizé, fils de l’ancien président dont la candidature à la présidentielle de 2020 a été rejetée par la Cour constitutionnelle, qui a été pris le 4 décembre 2020 à Zongo, ville congolaise frontalière de la RCA, en train de recruter des mercenaires. Un fait qui illustre les dangers qui guettent l’équilibre fragile de la paix si chère à M.Touadéra. En outre, un an après l’accord de paix négocié à Khartoum et signé à Bangui le 6 février 2019, qu’en est-il ? Le pouvoir centrafricain et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA) se félicitent des premiers effets de ce texte, même s’ils dénoncent des violations à l’actif des 14 groupes armés signataires. Le niveau des violences a baissé. « De 1 700 personnes tuées pendant le second semestre de 2018, on est passé à moins de 900 pour la même période de l’année passée, une baisse de près de 50 % », assure Vladimir Monteiro, porte-parole de la MINUSCA. D’autres avancées ont été remarquées sur le plan de la restauration de l’autorité de l’État. Des bases et barrières des groupes armés ont été démantelées et des immeubles publics restitués, et l’on note surtout le déploiement de 1 200 soldats des FACA (forces armées centrafricaines) à l’intérieur du pays, alors qu’ils étaient à peine 80 en 2017. Un centre d’imagerie médicale et un centre d’hémodialyse Cependant, la sécurité de son pays n’est pas le seul combat du président. En effet, l’accès aux soins de santé et aux médicaments de qualité pour la population centrafricaine est aussi une priorité. Une autre façon d’améliorer les conditions de vie des Centrafricains, surtout les plus démunis. Durant son premier mandat, en plus de créer des centres de santé, il a estimé essentiel d’apporter aux équipes hospitalières les équipements qui leur faisaient défaut. Ainsi, le 4 décembre 2020, l’acquisition d’un centre d’imagerie médicale doté, notamment, d’un scanner, ainsi que d’un centre d’hémodialyse destinés au Centre national hospitalier universitaire de Bangui, constitue une véritable première dans le pays. Le président en personne, accompagné de toutes les personnalités politiques et du corps diplomatique du pays, a pris part à son inauguration. À cette occasion, le Dr Pierre Somsé, ministre de la Santé, a relevé dans son allocution l’importance de ces deux nouveaux centres en termes de fiabilité des examens médicaux : « Le centre d’imagerie médicale va donner accès à une gamme d’examens jusqu’à ce jour inaccessibles, sauf dans le cadre d’évacuations sanitaires : scanner de la mammographie pour le diagnostic du cancer du sein, radiographie conventionnelle, soins dentaires ou encore échographie polyvalente. » Il est évident qu’ainsi le Centre national hospitalier universitaire de Bangui fait un bond considérable en matière d’équipement. Le coût de cet investissement sanitaire, supporté grâce à un prêt de la Banque africaine de développement (BAD), est de 2 milliards de FCFA et s’inscrit dans le cadre du Programme d’appui à la reconstruction des communautés de base (PARCB) financé, lui, à hauteur de 12,5 milliards de FCFA. Visiblement ravi lors de cette cérémonie, le président Faustin-Archange Touadéra a estimé que ces deux nouveaux centres devraient avant tout permettre de sauver des vies ainsi que de régler en partie la problématique des évacuations sanitaires : « Cela va améliorer le plateau technique et faciliter le diagnostic de nos médecins. Quand ils n’ont pas les moyens de faire leurs diagnostics, on est obligé d’évacuer ces malades et cela coûte cher à l’État. Nous dépensons beaucoup pour évacuer nos malades afin qu’ils bénéficient d’un diagnostic. » En effet, en un an, ce ne sont pas moins de 229 personnes qui ont bénéficié d’une évacuation sanitaire, ce qui a coûté à l’État plus de 3 milliards de FCFA, soit plus de 4,5 millions d’euros. La satisfaction du FMI En termes de performances macroéconomiques, le président Touadéra a pu durant ce premier mandat, et ce malgré un contexte marqué par une situation sécuritaire et humanitaire difficile, aligner des taux de croissance du PIB de 4,5 % en 2019 et 3,8 % en 2018 grâce à la reprise soutenue des activités agricoles et des extractions minières. Certes, si l’on peut déplorer que l’inflation soit passée à 3,5 % en 2019 (contre 1,6 % en 2018) du fait de problèmes dans l’approvisionnement en denrées alimentaires et de la situation sécuritaire dans certaines zones de production agricole, il n’en reste pas moins que le solde budgétaire était excédentaire en 2019 de 2,4 % du PIB et de 0,4 % en 2018 en raison d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques et d’une hausse progressive des recettes faisant suite à l’application de nouvelles mesures fiscales. Mais si la Centrafrique, avec Faustin-Archange Touadéra aux commandes, a pu réaliser des taux de croissance du PIB robustes, c’est aussi en très grande part grâce au programme de réformes du FMI, qui a d’ailleurs jugé leur mise en oeuvre suffisamment satisfaisante pour donner son accord à un second programme triennal 2020–2022 visant à renforcer et à consolider le cadre macroéconomique. Autre prouesse des gouvernements Touadéra, le paiement des salaires des fonctionnaires et agents de l’État qui, pendant tout son mandat, a été assuré de façon ininterrompue. Cette réussite était déjà à mettre à son actif alors qu’il n’était que Premier ministre. Devenu président, il est même parvenu dès 2017 à apurer tous les arriérés de salaires, évitant ainsi une hyperinflation. Cependant, au-delà des questions de sécurité, au rang des défis qui attendent le président Touadéra sur la période 2020-2025 – et il en est bien conscient – figurent en bonne place la lutte contre le chômage des jeunes et les inégalités sociales, la couverture des besoins en formation des jeunes, et enfin la capacité de son pays à attirer l’investissement privé encore conditionnée à une plus grande régularité de l’approvisionnement en électricité, à une plus grande stabilité économique et politique, à l’amélioration de l’accès au financement à long terme du secteur privé ainsi qu’à l’assainissement de l’environnement des affaires.
Paul de Manfred