Primature: Comment Ngrebada s’est forgé une réputation de fin négociateur

Discret, modeste et efficace, trois adjectifs pour qualifier le Premier ministre Firmin Ngrebada, qui fut directeur de cabinet du président, dont il défend le bilan en matière de réconciliation nationale, de reconstruction de l’armée et d’éducation.

Aux yeux des Centrafricains, deux événements de taille sont à mettre au crédit de Firmin Ngrebada, réputé fin négociateur : le rapprochement politique entre son pays et la Russie et l’accord de paix négocié au Soudan. En effet, malgré la discrétion et la modestie dont il fait preuve, c’est bien à lui que l’on doit l’activation de l’axe Bangui-Moscou, même s’il assure à tous ceux qui lui en  parlent que la présence des Russes très visible aujourd’hui dans son pays est le fruit de « l’efficacité diplomatique du président Touadéra ». Pourtant, il a été l’artisan et le maillon essentiel de la réussite de tous les échanges avec le ministère russe des Affaires étrangères, jusqu’à la signature de l’accord militaire entre les deux pays. À cette époque, Firmin Ngrebada, très impliqué comme ministre d’État et directeur de cabinet du chef de l’État, a coordonné toutes les rencontres du président Touadéra pour le dossier lié à la livraison de l’armement russe. Il fut notamment la seule personnalité politique de son pays à accompagner le président centrafricain à Sotchi en 2017 lors de son tête-à-tête avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov pour conclure la livraison sensible de ces armements. Car il faut rappeler que depuis 2013, la RCA est toujours sous embargo sur les armes par le Conseil de sécurité de l’ONU, et qu’il a de ce fait fallu une dérogation autorisant la Russie à livrer une certaine catégorie d’armes en Centrafrique. Renforcer l’armée nationale Ainsi, après une première livraison en janvier 2018, la Russie a pu fournir, 20 mois après, une deuxième cargaison d’armes légères et de munitions destinées à l’équipement des forces armées centrafricaines (FACA). En tout, il s’agissait de « 14 chargements qui ont été acheminés les semaines qui ont suivi », a rappelé Viktor Tokmakov, premier conseiller de l’ambassade de Russie en RCA. À l’arrivée, des militaires centrafricains et des soldats de la force de paix de l’ONU en Centrafrique (MINUSCA) ont été déployés dans Bangui pour protéger les convois. L’objectif du président Touadéra avec ces livraisons d’armes – pistolets, fusils d’assaut, fusils de précision et mitrailleuses, mais également lance-roquettes RPG, armes anti-aériennes et munitions – était avant tout de renforcer l’armée nationale. L’ensemble de ce matériel militaire était destiné à équiper huit bataillons des FACA, soit environ 2 700 hommes formés par des instructeurs russes au camp militaire de Bérengo, dans le sud-ouest du pays. Sécuriser le processus électoral Le 15 octobre dernier à Bangui, l’armée centrafricaine a de nouveau reçu une dizaine de blindés livrés par la Russie. À deux mois de l’élection présidentielle, le cortège de ces blindés russes défilant dans les rues de Bangui dans un concert de klaxons, entourés par une foule de curieux, visait à donner aux populations des gages sur la solidité de l’engagement de son gouvernement à assurer la sécurité des citoyens durant le processus électoral. Ces blindés – des BRDM-2 – sont des véhicules de reconnaissance légers venus renforcer les équipements militaires des FACA, dépourvues d’équipement lourd. Interrogé sur ces livraisons d’armes, Firmin Ngrebada rappelle à toutes fins utiles : « En mars 2017, lorsque le président Touadéra a prêté serment, nous nous sommes rendu compte que l’ensemble du territoire n’était pas pacifié, alors qu’il n’existait même pas d’armée. Nous avons fait de cela l’une de nos priorités. » Il a donc été procédé à de nouveaux recrutements dans l’armée : 1 023 militaires en 2018, puis 2 600 en 2020. « Cette armée reconstruite est actuellement déployée conjointement avec la MINUSCA dans plusieurs villes du pays », précise le Premier ministre. Un accord de paix avec quatorze groupes armés Autre dossier où Firmin Ngrebada s’est illustré, celui de la négociation à Khartoum, au Soudan, d’un accord de paix entre les autorités et quatorze groupes armés. C’est en effet lui qui, alors qu’il était directeur de cabinet du président, a conduit la délégation gouvernementale ayant obtenu cet accord de paix prévoyant notamment la nomination d’un gouvernement inclusif et la sécurisation du territoire, occupé à 80 % par des groupes armés. Des négociations qui ont contribué à forger son image de négociateur habile, rigoureux et respectueux de ses interlocuteurs. Mais au-delà des grands dossiers diplomatiques, Firmin Ngrebada défend aussi le bilan du président Touadéra, notamment en matière d’éducation. Les progrès résident dans le fait que son gouvernement a réhabilité plus de 400 salles de classe et en a construit plus de 260, qu’il a procédé au recrutement et à la formation des enseignants tant au niveau du préscolaire que du primaire et du secondaire, et enfin qu’il a fourni du matériel didactique et fait augmenter la part du budget de l’éducation. « Pendant la transition, le budget était de l’ordre de 4 %. En 2018, il est passé à 12,83 % et, en 2019, ce chiffre a grimpé à 15,61 % », affirme le Premier ministre.

Paul de Manfred

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