Patrick Achi, un technocrate modéré qui transcende les clivages.
Maintenu à son poste de Premier ministre, Patrick Achi va poursuivre son action à la tête d’une équipe gouvernementale resserrée dont les noms sont connus depuis le 20 avril dernier. Son objectif est de consolider l’émergence de son pays en menant à son terme le 3e cycle du PND 2021-2025.
Âgé de 66 ans, Patrick Achi, né d’un père ivoirien originaire du sud du pays et d’une mère française originaire de Bretagne, est titulaire d’une maîtrise de physique obtenue en 1979 à l’université de Cocody, en Côte d’Ivoire, d’un diplôme d’ingénieur de l’École supérieure d’électricité de Paris, en France, et d’un master en management de l’université de Stanford, aux États-Unis. Nommé ministre des Infrastructures économiques en octobre 2000 dans le gouvernement Affi N’Guessan I, il va réussir la prouesse de conserver son portefeuille durant 17 ans, et ce dans 12 équipes gouvernementales et avec deux chefs d’États différents que tout semble a priori opposer. Il renforcera parallèlement son ancrage local en se faisant élire député en 2011 dans son fief d’Adzopé, mandat renouvelé lors des législatives de 2021. Entre ces deux dates, il arrachera en 2013 un bastion traditionnel au FPI (Front populaire ivoirien) en devenant président du Conseil régional de La Mé, où il sera réélu en 2019. Au plan de ses engagements politiques, Patrick
Achi a été membre du PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) de l’ex-président Henri Konan Bédié, oeuvrant sans succès à un rapprochement avec Alassane Ouattara, notamment lors des tensions consécutives à la création comme parti du RHDP Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) en 2018. Quant à sa rencontre avec Alassane Ouattara, elle remonte aux années 2000, mais c’est en 2010, alors qu’ils sont reclus à l’Hôtel du Golf d’Abidjan pendant la crise postélectorale qui s’achèvera en avril 2011, que Patrick Achi se rapproche de lui. Le président Ouattara, très intéressé par son profil de technocrate, le reconduira donc dans son premier gouvernement à son poste de ministre des Infrastructures économiques. En janvier 2017, alors que feu Amadou Gon Coulibaly devient Premier ministre, Alassane Ouattara le choisira comme secrétaire général à la Présidence, faisant même de lui un ministre d’État en 2020. Avant de rejoindre l’administration publique de son pays, Patrick Achi travaille durant 17 ans dans le secteur privé. Il commence sa carrière en 1983 en tant que consultant pour le bureau parisien du cabinet Arthur Andersen, puis est affecté en 1988 à celui d’Abidjan en tant que directeur technique couvrant les divisions Conseil des pays francophones d’Afrique occidentale et centrale. En 1992, il crée sa société de conseil, Strategy & Management Consulting. Conseiller du ministre des Finances de 1995 à 1997, il contribue à la réforme du système de gestion des finances publiques. Entre 1997 et 1999, c’est comme conseiller technique au ministère de l’Énergie qu’il se voit chargé de la réforme du secteur des énergies. En 1999, auprès du Premier ministre Seydou Diarra, il collabore à la réforme de la filière café-cacao. En 2021, le Premier ministre Hamed Bakayoko est hospitalisé en France, puis en Allemagne, pour un cancer en phase terminale auquel il succombe le 10 mars 2021, soit deux jours après les législatives. Le président Alassane Ouattara nomme alors Patrick Achi Premier ministre par intérim, réitérant la confiance qu’il place en ce collaborateur perçu comme un modéré transcendant les clivages ethniques et religieux. Le 26 mars 2021, il sera confirmé à son poste. Le 19 avril 2022, sa reconduction dans ses fonctions de Premier ministre suite à sa démission remise le 13 avril constitue une nouvelle preuve de cette confiance. Pour l’Ivoirien lambda, Patrick Achi figure dans la short-list des présidentiables de 2025, mais l’intéressé se veut modeste et affirme, lorsqu’il est interrogé, ne pas nourrir cette ambition, affirmant que « l’avenir n’est pas aux hommes providentiels mais aux équipes compétentes et soudées ». En effet, d’ici à 2025, il a en charge de bien conduire le troisième cycle du PND 2021-2025 qui doit consolider l’émergence d’une Côte d’Ivoire ayant d’ores et déjà réintégré le top 10 des puissances économiques africaines. Une réussite qui ne peut occulter l’âpreté du chemin restant à parcourir.
Serge-Henri Malet