Une nouvelle Centrafrique en gestation

Faustin-Archange Touadéra, président-candidat à la présidentielle du 27 décembre 2020, sollicite la confiance des Centrafricains pour un second mandat. Le rejet par la Cour constitutionnelle de la candidature d’un poids lourd dans cette bataille politique, l’ancien président François Bozizé au pouvoir de 2003 à 2013, au motif qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, assure des conditions favorables à une probable réélection de M. Touadéra. Sur les 22 candidats à la magistrature suprême, les 9 juges de la Cour en ont écarté 4 autres pour des motifs de corruption et d’appartenance à des groupes armés. Et la même sanction est tombée pour 78 candidats au scrutin législatif couplé à la présidentielle, qui a réuni 1 585 candidatures pour un Parlement qui compte 140 sièges.

En soixante ans, ce petit pays d’à peine 4,5 millions d’habitants a connu trois guerres fratricides qui ont causé plus de 10 000 morts. C’est dire que ces élections non seulement constituent un test démocratique sous le regard de la communauté internationale, mais aussi témoignent de la volonté de tourner la page des violences inter-ethniques. Répondant à cette  aspiration, le président Touadéra, qui a pu négocier à Khartoum, au Soudan, avec 14 groupes rebelles un accord historique de paix signé à Bangui le 6 février 2019, peut espérer inviter à la table des négociations d’autres groupes armés qui régentent encore une partie du pays. Certes, cette paix négociée avec 14 groupes armés est parfois jugée fragile, mais elle résiste pour le moment à toutes les tentations de reprise des hostilités. De plus, le président à de quoi se réjouir car les résultats du Programme national de désarmement, démobilisation, réinsertion et rapatriement (PNDDRR) sont plutôt encourageants. À titre d’exemple, le projet pilote lancé à Bangui le 30 août 2017 pour 440 éléments issus de 12 groupes armés et dont la phase de désarmement/démobilisation s’est déroulée à Bangui et dans les villes de Bouar, Paoua, Bambari, Kaga-Bandoro, Birao et Koui a permis de collecter 309 armes, 499 explosifs de guerre et 7 257 munitions. Toutefois, le président Touadéra sait qu’il faudra du temps, de la patience et de la pédagogie pour pacifier la totalité de son pays. L’arrestation de Socrate Bozizé, fils de l’ancien président, pris en flagrant délit recrutant des mercenaires le 4 décembre 2020 à Zongo, ville congolaise frontalière à la RCA, en dit long sur les dangers qui guettent l’équilibre fragile de la paix si chère à M.Touadéra. Mais il nourrit l’ambition de jeter les bases d’une nouvelle Centrafrique, proposant pour ce faire à ses compatriotes un « nouveau pacte démocratique »articulé essentiellement autour de cinq chantiers, au rang desquels la gouvernance et l’éducation. La gouvernance irréprochable, le président Touadéra veut en faire une réalité qui suscite la fierté de son peuple et constitue un socle dans son projet de société, le RCPCA (Plan national de relèvement et de consolidation de la paix en Centrafrique). Avec la formation, il veut centrer son action sur la lutte pour l’emploi des jeunes, contre la pauvreté et l’exclusion ainsi que sur les mesures en faveur de l’autonomisation des femmes. Aux yeux de M. Touadéra, la formation et l’éducation sont les clés du changement et les moyens d’actionner l’ascenseur social. Enfin, le président s’est déjà engagé à améliorer l’accès à des soins de santé de qualité en dotant les établissements hospitaliers en équipement médico-technique, à l’exemple du centre d’imagerie médicale et du centre d’hémodialyse installés le 4 décembre 2020. Sachant qu’en un an, ce ne sont pas moins de 229 personnes qui ont bénéficié d’une évacuation sanitaire ayant coûté à l’État plus de 3 milliards de FCFA, soit plus de 4,5 millions d’euros, l’on comprend l’importance du pas que vient de franchir la Centrafrique dans le fonctionnement de son système de santé.

Par Serge-Henri Malet

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