Entretien – Ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’Insertion professionnelle et du Service civique « L’objectif global du PJ Gouv : 1 500 000 opportunités au profit des jeunes »

Mamadou Touré, ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’Insertion professionnelle et du Service civique, évoque l’ensemble des actions rattachées à l’ambitieux programme PJ Gouv 2023 -2025 déployé en faveur de la jeunesse.

« Année de la jeunesse », 2023 voit se déployer l’ambitieux Programme jeunesse du gouvernement (PJ Gouv) 2023 -2025. Comment est-il articulé, quel est son coût et comment est-il financé ?

 

Mamadou Touré : Effectivement, dans son adresse à la nation du 31 décembre 2022, le président de la République, Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, a dédié l’année 2023 à la jeunesse, affichant sa volonté d’amplifier et d’accélérer les politiques publiques initiées en faveur des jeunes depuis le début de sa mandature. Le gouvernement a donc, dans une approche participative et inclusive, entrepris des consultations qui ont abouti à l’adoption d’un Programme jeunesse du gouvernement (PJ Gouv) pour la période 2023 -2025. Cet ambitieux programme triennal mobilise vingt ministères, bénéficie de l’appui des partenaires techniques et financiers (PTF) et s’articule autour de trois axes stratégiques : l’accélération de la formation, de l’insertion professionnelle et de la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes, le renforcement de l’engagement citoyen et de l’éthique sociale de la jeunesse, et enfin l’amélioration des conditions d’épanouissement et de bien-être des jeunes. Le coût global de mise en œuvre de ce programme d’envergure est estimé à 1 118 milliards de FCFA. Bien entendu, la mobilisation des ressources nécessaires fait appel aux actions combinées de l’État, du secteur privé et des PTF.

 

Pour le volet « accélération de la formation et de l’insertion professionnelle », le PJ Gouv compte offrir 1 500 000 opportunités d'emplois, de formation et de financement de projets. Comment cela va-t-il se matérialiser ?

 

La mobilisation de 1 500 000 opportunités de formation, d’insertion socio-professionnelle et de financement de projets au profit des jeunes est l’objectif global du PJ Gouv 2023-2025 sur l’ensemble des trois années de sa mise en œuvre. Pour 2023, plus de 360 milliards de FCFA sont consacrés à l’encadrement et à l’accompagnement de 700 000 jeunes : mobilisation d’opportunités de formation et d’insertion socio-professionnelle pour 470 097 jeunes, renforcement de l’engagement citoyen de 35 030 jeunes, octroi de bourses d’études et de secours financiers à 110 833 élèves et étudiants, et enfin amélioration du pouvoir d’achat par l’engagement de tous les acteurs économiques à octroyer plus d’avantages aux jeunes grâce au projet « carte jeunes ». Ainsi, à fin juin 2023, ce sont 130 737 jeunes qui ont été pris en charge : 84 792 jeunes bénéficiaires d’emplois, de permis de conduire et de formations à visée d’insertion, 31 322 élèves bénéficiaires de bourses d’études et 14 623 jeunes bénéficiaires de financement de projets et de programmes d’entrepreneuriat.

En ce qui concerne les infrastructures dédiées aux jeunes, 101 281 093 112 FCFA sont mobilisés pour leur construction ou leur réhabilitation. Il y a quelques mois, le Premier ministre Patrick Achi a lancé les travaux de construction d’établissements professionnels et techniques à Botro et Diabo, au centre de la Côte d’Ivoire. Au total, 34 établissements de formation professionnelle et technique seront construits, réhabilités et équipés sur la période 2023-2025. En outre, 14 centres de service civique d’une capacité de 1 000 jeunes pensionnaires chacun sont en cours de construction, dont celui de Bouaké, qui a été inauguré par le Premier ministre en avril dernier. Plusieurs infrastructures sportives sont en cours de construction ou de réhabilitation, notamment des complexes multisports et multifonctions dénommés « Agora », des piscines olympiques, des infrastructures sportives de proximité, des institutions socio-éducatives ou encore des institutions de formation et d’éducation féminine (IFEF).

 

« Nous nous réjouissons que de plus en plus d’autres pays viennent s’inspirer de notre modèle. »

 

Comment se sont conclues vos discussions avec France dans le cadre du contrat de désendettement (C2D3) et quelle est l'importance de ce soutien français pour votre programme jeunesse ?

 

Nos discussions bilatérales avec la France ont abouti à la signature de quatre conventions le 12 mai dernier. Trois portent sur le financement de la phase 3 du Contrat de désendettement et de développement (C2D3), et l’autre sur le programme d’insertion professionnelle et citoyenne de la jeunesse ivoirienne. Dans le cadre de ces conventions, un appui de 51,6 milliards de FCFA de la France doit nous aider à renforcer l’employabilité et à faciliter l’insertion dans la vie active de plus de 80 000 jeunes.

À côté de cet appui français, nous bénéficions de l’accompagnement de la Banque mondiale avec plus de 75 milliards de FCFA dévolus au PEJEDEC3 (Projet Emploi Jeunes et Développement des Compétences) et de la BAD avec 30 milliards de FCFA pour le Projet d'appui au programme social du gouvernement (PA-PS Gouv).

Par ailleurs, dans la quête permanente d’amélioration de notre dispositif d’accompagnement des jeunes, nous nous inspirons des modèles de réussite de divers pays comme la France, le Rwanda, etc. Nous nous réjouissons aussi que de plus en plus d’autres pays viennent s’inspirer de notre modèle.

 

« Face à la menace terroriste, en plus de la réponse militaire, l’État s’est doté d’une réponse sociale. »

 

Comme le président Alassane Ouattara, vous soutenez que le terrorisme est avant tout une question sociale. Votre gouvernement a élaboré un plan antiterroriste pour les régions du nord du pays. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Au regard de la réalité et du contexte sous-régional pour ce qui est de la lutte contre le terrorisme, le gouvernement ivoirien a décidé d’anticiper avec une approche nouvelle. En effet, en plus de la réponse militaire, l’État s’est doté d’une réponse sociale. Sous l’autorité du Premier ministre Patrick Achi a été conçu un programme social du gouvernement, avec un ciblage des zones frontières avec les pays en proie au terrorisme comme le Mali et le Burkina Faso, notamment les régions du Bounkani, du Tchologo, du Poro, de la Bagoué et du Kabadougou. Malheureusement ces zones, longtemps délaissées, sont menacées par l’activisme des terroristes exploitant la vulnérabilité des jeunes pour tenter de les enrôler. Donc l’idée de cet important dispositif est de sortir ces populations de la pauvreté en leur apportant de l’eau, de l’électricité, l’école et les centres de santé. Le gouvernement investit en ce moment plus de 265 milliards de FCFA que dans ces zones pour régler les problèmes d’infrastructures et de routes ainsi que l’accès à l’eau potable, à l’électricité et à l’éducation. Concrètement, mon département conduit un plan spécial pour détourner les jeunes de la tentation terroriste : d’ici trois ans, plus de 60 000 jeunes seront impactés dans toutes ces zones pour leur donner des perspectives en termes de formation et d’encadrement. Plusieurs dispositifs montrent déjà leur efficacité : les formations de reconversion et de requalification, l’apprentissage, l’encadrement dans les centres de service civique, la dotation en permis de conduire, les travaux à haute intensité de main-d’œuvre, les activités génératrices de revenus ou encore les subventions aux acteurs du secteur informel.

Notre ambition est d’accueillir ces jeunes, de leur donner un minimum d’encadrement et de discipline mais surtout une formation pour améliorer leur qualification en vue donc de leur insertion socio-professionnelle. Depuis son lancement en janvier 2022, ce programme a enregistré des résultats encourageants. À fin 2022, ce sont 23 892 hommes et femmes qui ont été pris en charge sur l’ensemble des dispositifs pour un objectif de 22 912 jeunes, soit un taux de réalisation de 104 %. Fort du succès enregistré par la première phase de ce programme, le gouvernement ivoirien a lancé le 7 juillet 2023 à Ferké la 2e phase au profit de 30 000 jeunes.

 

Cette année, votre pays organise des élections régionales et municipales. Comme souvent, les ministres viennent en renfort aux candidats du RHDP. Qu’en est-il pour vous ?

 

Je suis moi-même le candidat de mon parti, le RHDP, aux élections régionales dans le Haut-Sassandra. Mon organisation au quotidien me permettra d’aller échanger et discuter avec nos populations sur la nécessité de voter pour moi et les candidats du RHDP, et je me ferai fort d’aller soutenir mes collègues et autres cadres du RHDP qui sont candidats à ces élections.

 

Dans quelle mesure la politique en faveur de la jeunesse est-elle en cohérence avec le programme « Une Côte d’Ivoire solidaire » du président Ouattara ?

 

La cohérence du PJ Gouv 2023-2025 avec le programme « Côte d’Ivoire solidaire » du président Alassane Ouattara réside dans l’approche qui a prévalu à son élaboration, à savoir une approche participative et inclusive faite de plusieurs rencontres d’échanges avec les jeunes afin de saisir leurs aspirations, leurs attentes immédiates et leurs préoccupations pour y apporter des réponses concrètes. Ces consultations ont recensé plusieurs initiatives retenues ensuite sur la base de divers critères, en particulier leur cohérence avec les orientations majeures des politiques publiques que sont le programme « Côte d’Ivoire Solidaire », le Plan national de développement (PND) 2021-2025, le Programme social du gouvernement (PS Gouv) 2022-2024 et les stratégies sectorielles.

La volonté constante du président de la République d’accompagner les jeunes Ivoiriens dans leur cheminement vers l’autonomie en mobilisant en leur faveur tous les moyens pour leur intégration dans la société et leur participation au développement de la Côte d’Ivoire, inscrite dans son programme « Côte d’Ivoire Solidaire », est naturellement celle qui sous-tend le PJ Gouv, car la jeunesse a toujours été au cœur des priorités du chef de l’État. Sur la période 2012-2019, pas moins de 2 800 000 emplois été créés : 43 % dans l’agriculture, 24 % dans les services, 22 % dans le commerce et environ 9 % dans l’industrie. Sur l’ensemble de ces emplois, près de 1 800 000 étaient pour les jeunes. Enfin, sur la période 2020-2022, les opportunités dans le cadre des programmes d’insertion professionnelle ont concerné 717 307 jeunes.

 

En 2023, quelles sont les priorités inscrites sur votre feuille de route ?

 

Aujourd’hui, la priorité du gouvernement reste l’amplification des politiques en cours et la mise en œuvre d’un ensemble d’actions concourant à l’accompagnement ciblé et renforcé des jeunes vers l’autonomie, notamment par l’engagement citoyen, l’éducation, la formation technique, l’insertion sociale et professionnelle, la santé, la sécurité, les loisirs éducatifs, sportifs et culturels, et ce dans une perspective de réduction des inégalités, qu’elles soient sociales ou territoriales.

 

Propos recueillis par Andju Ani